Partis le 5 août 1914, par le train, les 3310 hommes du 113e régiment d’infanterie et leurs 185 chevaux sont arrivés près de la frontière belge.
Ordre leur est donné, dès 6 heures du matin, par la 9e division d’infanterie, de former l’arrière garde d’une colonne de division. Le 3e bataillon forme la tête, suivi par le 1er bataillon et le 2e qui vient de Pillon.
L’itinéraire à suivre est Mangiennes, Saint-Laurent-sur-Othain, Longuyon, Pont-Ouest, Tellancourt, Saint-Pancré, et enfin, Signeulx.
La compagnie divisionnaire du génie suit le 3e bataillon, un groupe d’artillerie suit le 113e.
Cette fois, les hommes vont voir la guerre. Fini ce voyage interminable qui les a mené depuis Blois, des bords de Loire, jusqu’à cette terre lointaine, étrangère, et si souvent envahie.
A quoi pensent-t-ils, ces hommes, si loin de leurs familles ?
A leurs pieds et à leur dos douloureux, de cette marche forcée depuis la gare, barda au complet avec armes et munitions ?
A l’ennemi qu’ils vont enfin pouvoir renvoyer chez lui, à coup de baïonnettes ?
La nuit fut courte, inconfortable. Le réveil est brutal. Il faut encore marcher. Il y a plus de 32 km entre Mangienne et Signeulx.
Un petit coup d’oeil sur google map et l’itinéraire de randonnée entre les deux communes est identique à celui que le 113e a du suivre.
Il faut six heures de marche en mode randonnée touristique.
A midi trente, soit 6 heures 30 après avoir reçu l’ordre de mouvement, la tête du 113e arrive à Saint-Pancré.
Le 3e bataillon se rend sur Ville-Houdlémont, suivi par le 2e bataillon.
Le 1er reste disponible vers Buré-la-Ville avec une compagnie détachée à Saint-Remy.
N’imaginez-pas que le terrain soit plat, une petite coupe transversale montre qu’il n’en est rien.
Le 3e bataillon, une fois parvenu à la lisière nord de Ville-Houdlemont, fait feu sur quelques cavaliers qui croisent à hauteur de Signeulx.
A 16 heures, le stationnement prévu est le suivant : le 3e bataillon fournit les avant-postes à Bleid, Mussy-la-Ville, avec poste sur Barranzy, faisant la liaison avec le 131e à Cussigny et à Pont du Choché, entre Signeulx et Latour.
L’Etat major et le 2e bataillon cantonnent à Signeulx. L’état Major de la 18e brigade et le 1er bataillon sont à Ville-Houblemont avec un poste à Saint-Remy faisant la liaison avec le 4e C.A.
Mais l’ennemi est là. A 17 heures, la section Mennesson détachée de la 9e compagnie, 3e bataillon, sur Barranzy, est arrêtée en face du village par une compagnie allemande.
La 10e compagnie, 3e bataillon, s’établit sur les pentes sud de Mussy, signalant de l’infanterie en force, dans des tranchées, au Nord de Mussy-Saint-Léger.
Une compagnie du 2e bataillon est envoyée vers Baranzy pour recueillir la section Mennesson qui se replie devant l’infanterie allemande, très supérieure à une compagnie, et devant de la cavalerie.
Les 9e et 12e compagnies sont déployées prêtes à recueillir les sections engagées.
Vers 18 heures, le 2e bataillon reçoit l’ordre de renforcer, vers Baranzy, les fractions engagées.
A 18H 20, il rend compte que la 6e compagnie est à cheval sur la route Signeulx-Baranzy, à hauteur de la station. Les 7e et 8e compagnies la prolongent à gauche, la 5e, est en réserve.
L’artillerie allemande entre en action.
Cette situation se maintient jusqu’à la nuit.
Les unités du 3e bataillon organisent les pentes sud de Bleid et Mussy. Le 2e bataillon fait de même entre le 3e et la station de Signeulx. Le 1er bataillon est maintenu disponible à Ville-Houdlemont.
Les premiers combats ont eu lieu, anecdotiques comparés à ce qui attend les hommes du 113e.
Mais au soir du 21 août, la sinistre comptabilité se met en place : deux tués, cinq blessés, sept disparus.
La nuit sera courte et pour beaucoup, ce sera la dernière.
Tout est en place, comme dans une scène de cinéma où les acteurs ont pris position et n’attendent plus que le clap “Action” pour jouer leur rôle.
Tout est prêt pour la grande scène du massacre du 113e, le lendemain.
PS : les données militaires sont transcrites du journal de marche du régiment.
En me promenant sur google map, cherchant à voir leur itinéraire, j’ai vu que leur sacrifice n’avait pas été oublié : street view emprunte une route appelée : route du 113e