Il y a la loi, qui prend soin de tous, et surtout des plus vulnérables, les enfants. Et il y a la réalité, souvent cruelle, qui ne tient pas compte de la loi. C’est le triste constat que je peux faire à la lecture de ce qui suit.
Le 24 février 1847, alors qu’il passe dans la rue du Palais, à Blois, Jean François Raulet, maréchal des logis de gendarmerie, en uniforme, rencontre un petit garçon et une petite fille. Ils ont à peu près dix ans chacun et semblent mendier.
Alors qu’il leur demande qui ils sont, les deux enfants lui répondent sans difficulté.
Victor Busson, le petit garçon, et Harmance Marie Piojot, la petite fille, effectivement âgés de dix ans, sont des élèves de l’hospice de Paris. Ils ont été placés à Villetrun, chez le sieur Perseval, tourneur de son métier.
Ce dernier, trouvant visiblement l’allocation versée par les services sociaux trop faible, les a amenés devant Mr Boudard, préposé de l’hospice de Paris, à Vendôme, en lui disant qu’il ne pouvait plus les nourrir.
Étonnamment, le sieur Boudard, qui aurait dû leur trouver une autre famille d’accueil, c’est quand même son boulot, a répondu qu’il ne savait pas quoi en faire, ni où les placer, et qu’ils pouvaient bien partir « chercher leur vie ».
Les deux enfants, abandonnés par leurs géniteurs, par leur père nourricier, se sont trouvés également abandonnés par l’institution qui devait prendre soin d’eux jusqu’à leur majorité. Ils sont donc partis, tous seuls, le long de la route, en mendiant leur pain. Quittant Vendôme, au gré des chemins, ils ont atteint Blois, quatre jours plus tard.
Arrivés le 23 février, ils ont été recueillis par le sieur Delacharte, marchand de Bois à l’extrémité du bourg-neuf. Et maintenant, ils sont là, rue du Palais, à mendier leur pain.
Jean François conduit les deux enfants devant le procureur du roi, qui, après les avoir interrogés les envoie en prison, mandat de dépôt provisoire, à la maison d’arrêt de Blois, où ils sont laissés à la charge du gardien en chef.
Bien triste début de vie pour ces deux petits enfants, qui se retrouvent en prison, à l’âge de dix ans, parce que les adultes ne sont pas capables de prendre leurs responsabilités.
Le document consulté ne dit pas ce qu’il advint ensuite des deux petits. J’espère qu’ils ont rejoint une famille d’accueil, mais je crains plutôt qu’ils n’aient rejoint un bagne pour enfants.