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Un billet pour la Défense, le choix
Après un Challenge AZ un peu sanguinolant, se remettre en selle pour un calendrier de l’Avent est un exercice de style plutôt périlleux.
Comment passer du cimetière au sapin de Noël, même si l’expression « ça sent le sapin » rappelle plus le cimetière que l’arrivée de l’enfant Jésus ?
Après avoir hésité sur plusieurs sujets, commencé à rédiger quelques articles, je me suis tournée vers mon petit Cabinet de Curiosités.
Je vous rassure tout de suite, il ne contient pas de bocal renfermant, dans le formol, quelque être hybride ou monstre à deux têtes, ni d’ossements humains ou « débris » que l’on trouvait fréquemment dans les cabinets de curiosité de l’ancien temps.
Le mien contient des choses plus « normales ». Il est constitué de nombreux documents originaux glanés ici et là, qui dorment sagement dans des chemises cartonnées.
Je vais donc, au gré des découvertes du calendrier de l’Avent, picorer et piocher dans mes petits trésors et les partager avec vous.
Pour le premier décembre, je vais vous montrer un billet de la défense nationale.
Le billet de Georges Emile Rollin
Ce billet indique que Mr. Rollin, commis principal des postes rue de l’Oranger, à Dieppe, a versé de l’or pour la défense nationale, le 23 juillet 1915. Il a versé cent dix francs or, en échange de quoi, il a reçu des billets de banque.
Nous sommes en pleine première guerre mondiale. Le gouvernement doit trouver un moyen de financer cet ogre dévastateur qu’est la guerre.
L’or est la seule valeur utile à la France. Dès le jour de la mobilisation, les directeurs des succursales de la Banque de France ont reçu l’ordre de ne plus remettre de l’Or à leurs clients. La loi du 5 août indique que, le franc n’est plus qu’une monnaie de papier.
Ainsi, l’Or que l’état a accumulé en prévision de la guerre, ne sera plus échangé avec la population. Mais celle-ci en détient de grosses quantités, dans les fameux bas de laine. Il faut trouver un moyen de le récupérer. Les achats d’armement à l’étranger ne peuvent être réglés qu’en Or et non pas en papier monnaie.
Il faut récupérer l’Or des Français
Le 2 juillet 1915, le ministre des Finances, Alexandre Ribot, propose aux français d’échanger leurs pièces d’or contre des billets ou des titres d’emprunt, pour la Défense nationale.
Une campagne de propagande fait appel à leur civisme. Elle incite également les soldats, au front à remettre leurs pièces d’or contre des billets. Cette opération sera faite par l’intermédiaire de leurs officiers car « l’Or est indispensable pour acheter des munitions ».
La Banque de France imprime des certificats ainsi qu’une publication hebdomadaire des sommes perçues. Durant la seule année 1915, les familles vont ainsi se délester de près de 380 tonnes d’or, et de plus de 700 sur les quatre années de guerre.
Malheureusement, l’inflation d’après-guerre va diviser la valeur du franc par cinq en dix ans, et rendre impossible le contre échange.
(sources – René Sédillot – Historien)
Le don de Georges Emile Rollin
Notre commis principal des Postes, Georges Emile Clovis Rollin, est de la classe 1884. Il est donc trop âgé pour être appelé, contrairement à son fils, Georges Henri. Ce dernier est de la classe 1907, marié depuis quatre ans à Marie Augustine Sudrat. Lui aussi travaille pour les postes. Il est commis des postes, à Dieppe. Il est mobilisé le 7 décembre 1915, et affecté au 8e régiment du génie.
Au terme de la guerre, Georges Emile ne reverra peut-être pas son or, mais il reverra son fils, revenu vivant de la grande guerre.