Nous sommes le 14 juin 1846. Martin Lebert, garçon domestique chez Morin, aubergiste à Ecure, part de chez lui, au haut de Veuves pour aller à son travail. Alors qu’il arrive à l’extrêmité de la grève d’Ecure, il aperçoit plusieurs jeunes garçons qui se baignent dans la Loire. Il fait beau, un temps de juin.
A quelque pas d’eux, il en aperçoit trois. Au premier coup d’oeil, ils semblent tournoyer. Martin comprends très vite qu’ils sont en train de se noyer. Il ne sait pas nager, pourtant, il se jette à l’eau, tout habillé. Ils sont pourtant près du bord, mais l’eau fait deux mètres de profondeur à cet endroit. ll parvient à les rejoindre et les trois petits s’agrippent à lui, menaçant de l’entraîner avec eux. Deux des enfants le lâchent à ce moment-là. Le troisième, Léopold Lombard, douze ans, réussit à s’accrocher à sa blouse et il le ramène jusqu’à la rive.
Les cris et les appels à l’aide de Martin ont alerté Alexandre Poupan, trente-cinq ans, natif de Laval en Mayenne et tisserand à Onzain. Ce dernier est en train de pêcher à la ligne, à une centaine de mètres de là. Il se précipite dans la direction des cris tout en ôtant ses vêtements et arrive au moment où Martin sort le premier enfant de l’eau. Le courant entraîne les deux autres enfants vers le milieu du fleuve et ils disparaissent sous l’eau.
Alexandre sait nager. Il plonge, nage, plonge, remonte sans avoir trouvé les enfants, replonge. La seconde tentative est la bonne et il réapparaît avec les deux enfants. Il les tient avec son bras gauche et tente de regagner la rive.
Martin a déposé le premier garçon sur le bord. Il retourne dans l’eau pour prêter main forte à Alexandre. Ils sortent les deux enfants et commencent à les ranimer. Ils sont inconscients, ne respirent plus. Les efforts des deux hommes portent leur fruit et ils réussissent à ranimer les deux garçons. Ces deux garçons sont Alphonse Morin, douze ans, fils du patron de Martin, et André Rabier, douze ans également.
Le sauvetage a eu de nombreux témoins : trois autres jeunes garçons qui se trouvaient également là, à jouer dans l’eau avec eux mais n’ont pas été emportés par le courant et plusieurs habitants de Chaumont-sur-Loire, de l’autre côté du fleuve.
Sept jours plus tôt, au niveau de Saint-Claude, deux jeunes garçons de douze et treize ans, Eugène Courtin et Louis Philippe Guignard, se baignant dans la Loire avec une quinzaine de camarades, n’ont pas eu cette chance et sont morts noyés.
Pour nos trois petits imprudents d’Ecure, l’aventure se termine bien.