Le vendredi 5 juillet 1844 est une belle journée d’été. Le sieur Grouteau, ancien militaire et capitaine d’une compagnie de la garde nationale, habite au hameau des Granges, aux portes de Blois, une jolie petite maison. Âgé de soixante-sept ans, il vit avec une domestique, Anne Bourreau, vingt-deux ans, originaire de Saint-Secondin. Ce jour-là, Grouteau reçoit de la visite : celle de son ancienne domestique, Marie Daridan, également de Saint-Secondin, toute jeune mariée, et celle de Jean Louis Coudriou, trente-cinq ans, cultivateur de Blois, qui travaille régulièrement à la journée pour Grouteau. La soirée s’éternise et tout le monde reste dormir sur place.
Le lendemain matin, les volets restent clos. Les bêtes n’ont pas été sorties de l’écurie, ni traitent. Leurs beuglements alertent les voisins qui s’approchent de la maison et entendent des gémissements. Mais personne n’entre, les voisins préfèrent aller chercher le fils qui vit dans le hameau et c’est lui qui escalade le mur et passe par le jardin. Par la fenêtre ouverte de la chambre principale, il voit le corps de son père, étendu dans une mare de sang, au pied du lit du domestique. Celui-ci gît plus loin, dans la cuisine, mort. En entrant dans la pièce, il trouve le corps de la jeune mariée, mutilé et celui de la domestique, étendue dans son lit, également morte. Grouteau est le seul de la maisonnée encore en vie, mais dans quel état !!!
L’enquête démontre très vite que le ou les meurtriers sont entrés dans la maison par un soupirail de la cave donnant sur la rue et dont une barre de fer a été descellée. Ils sont ensuite passés par la trappe de la cave ouvrant dans le cellier, puis de là, dans la cuisine où se trouvaient les femmes. Anne dormait déjà dans son lit, en chemise et Marie s’apprêtait à en faire autant lorsque les assassins sont entrés. Elle a probablement été la première à mourir. Anne est tuée dans son sommeil. Les hommes dormaient dans la chambre contiguë. Ils ont été alertés par les cris d’Anne. Jean Louis est accouru dans la cuisine, sans arme, mais n’a pas dépassé l’entrée, tué à son tour. Le sieur Grouteau est trouvé dans la chambre, son sabre de la garde nationale à la main, teinté de sang, indiquant qu’il s’est défendu.
Les meurtriers ont ensuite fouillé la maison à la recherche d’argent et de tout ce qu’ils pouvaient emporter facilement. Des meubles sont brisés, l’argent a disparu. Ils se sont ensuite enfuis par la fenêtre par où rentre le fils Grouteau, le lendemain. L’arme du crime est retrouvée dans le puits. Ils ont ensuite escaladé le petit mur provisoire établi le long du chemin de fer.
Car le chemin de fer est arrivé à Blois, avec son lot de cheminots, à la mauvaise réputation, et de vagabonds. De fait, l’arme du crime est un burin de carrier, de 85 cm de long, appartenant à l’entrepreneur des chemins de fer, ce qui oriente l’enquête dans cette direction. Sauf que les outils restent sur le chantier la nuit et n’importe qui a pu les voler.
Alors que l’enquête se poursuit avec l’interrogatoire de tous les ouvriers du chemin de fer, la ville s’apprête à enterrer les victimes. Le dimanche 7 juillet, à deux heures du soir, le cortège traverse les granges. Tout le clergé de la paroisse Saint-Nicolas, les parents des victimes, les habitants des granges, suivent les trois cercueils jusqu’à l’église, puis au cimetière. L’émotion est forte dans la ville, liée à la violence du crime et à l’âge des victimes. Le chagrin des familles fait peine à voir. La mère de la jeune domestique, Anne, fait un malaise et doit être emmenée aux soins des soeurs de la charité.
Très vite, la rumeur publique désigne deux ouvriers connus pour leur brutalité et leur immoralité, les nommés Retif et Rottier. Ils sont arrêtés, mais faute de preuve, ils sont relâchés.
L’état du sieur Grouteau s’agrave. Interrogé, il ne se souvient de rien, ayant été frappé à la tête. L’enquête piétine.
La suite… plus tard.