J’ouvre la fenêtre du onze décembre sur la mort. Pas très gai pour un calendrier de l’avent mais, en généalogie, nous ne sommes qu’avec des morts. Nous les recherchons, nous les poursuivons, nous râlons régulièrement après eux. Ils sont nos compagnons de recherche.
Et justement, la mort, qu’en connaissons-nous en généalogie. Nous avons la date, le lieu, mais la cause ? Elle est rarement accessible. Pour les militaires morts au loin, nous avons parfois, mais pas toujours, la cause du décès. Pour les autres, nous faisons des suppositions, en fonction de la période de l’année, des morts alentours, de la période même.
Prenons par exemple la famille Leboeuf de Selles-sur-Cher, Loir-et-Cher. Entre le 22 et le 24 octobre 1875, la famille est décimée. La mère et cinq enfants décèdent, les uns après les autres. Pierre, le plus jeune, âgé de deux ans, meurt le premier, à dix heures du matin, suivi, une heure plus tard par Henri Victor, six ans. Le lendemain, à six heures du matin, c’est le tour de Paul Constant, onze ans, puis Augustine Thilloux, leur mère, trente ans, au même moment. Trois heures plus tard, Charles Auguste, neuf ans, meurt à son tour. La dernière est Augustine, sept ans. Elle décède le lendemain, à six heures du matin. Le massacre s’arrête là.
Que nous dit de plus l’état civil ? D’abord, le père, Constant Leboeuf, ne déclare aucun décès. Il est sous-chef d’équipe au chemin de fer. Peut-être est-il absent. Rien n’est dit à son sujet.
Ensuite, les deux premiers décédés et la dernière, meurent chez Albert Legendre, alors que les autres décèdent chez eux, dans la maison de garde de Turpinay.
Les décès successifs fleurent bon l’épidémie. Une bien mauvaise grippe, ou une fièvre typhoïde, un truc mortel pour l’époque, serait un scénario tout à fait probable sauf qu’ils ne décèdent pas tous à domicile. Ce sont les plus jeunes qui meurent chez Albert Legendre. En cas d’épidémie, on ne bouge pas les malades, pas à cette époque. Mais l’état civil ne nous apprend rien de plus.
Qui pourrait imaginer que, la veille, le 18 octobre, la famille avait consommé des agaric fétides….. des champignons vénéneux. Les premiers symptômes n’apparurent que le lendemain et malgré tous les soins des deux médecins et du pharmacien de la commune, aucun d’entre eux ne pu être sauvé. Ils sont morts quatre à six jours plus tard.
Ceci peut expliquer pourquoi les plus jeunes sont morts ailleurs, probablement transporté dans une maison où l’on pouvait prendre soin d’eux, alors que les plus grands sont restés sur place.
Le père reste seul, avec un seul enfant, Léontine, un bébé de quatre mois, bien trop jeune pour manger des champignons. Il va néanmoins attendre trois ans avant de se remarier, le 26 juillet 1878, avec Henriette Chauveau.