Le 16 août 1866, le train 240 arrive en gare d’Orléans. Comme à chaque arrêt, la machine est vérifiée, et, sur l’écrou de la vis de vidange, les employés des chemins de fer trouvent des cheveux et du sang collés, et ainsi que sur la jante de la roue. A qui appartiennent ces débris macabres ?
Dans le même temps, à 7 h 30, Louis Camille Moreau, commissaire de surveillance administrative du chemin de fer reçoit une dépêche télégraphique. A 6h10 du matin, un corps a été retrouvé à cent mètre de la station de Mer, entre la prise d’eau et le pont.
Arrivant par le 1er train n°4, à 8 h 15, sur le lieu de l’accident, Louis Camille Moreau ne peut que constater l’accident, en voyant les traces sanglantes trainées sur les rails et les débris de corps humain qui jonchent les rails et le bas-côté. Une lanterne et deux cannes sont également trouvées sur le côté.
Après enquête, le corps serait celui du garde Joseph Chaumuzeau, trente-deux ans. Il a été vu quittant la station de Mer pour rentrer chez lui, à Suèvres, dans la nuit. Il était accompagné d’un jeune chien qu’il emmenait pour la première fois avec lui.
D’après les constatations et quelques suppositions, arrivé à douze mètres de la prise d’eau et du pont, ayant aperçu le train 240 qui arrivait de Blois, il aurait déposé sa lanterne et ses deux cannes sur le chemin, pour prendre son chien dans ses bras, de crainte qu’il ne se fasse écraser. Il est probable que le terrain de la banquette sur laquelle il était se soit éboulé sous ses pieds, le faisant tomber à plat ventre sur les rails à l’arrivée du train.
Frappé à la tête, le corps entraîné sous les roues du tender puis des quarante-deux voitures composant le train, le pauvre Joseph Chaumuzeau a eu la tête séparée du corps, et le reste dans un état indescriptible.
Le garde de nuit Louis Vasseur, qui fait le service de Beaugency à Mer, trouve son corps, en rentrant de sa tournée. Il a surtout trouvé des morceaux de corps et prévenu immédiatement le chef de gare de Mer.
Ce dernier va avoir la pénible tache de recueillir et rassembler ce qui reste du pauvre Chaumuzeau.
Joseph était un ancien de la guerre de Crimée, originaire de Beaugency. Il était venu avec sa femme, Rose Guillard, à pied, depuis Suèvres jusqu’à Mer d’où elle était repartie par le train 14 pour Beaugency, d’où la présence des deux cannes.
Après le passage du train à 10h57, il est allé à une fête donnée dans la halle de Mer où il a bu un peu avec des amis, mais pas assez pour être ivre, seulement un peu gris. Assez gris pour perdre l’équilibre et ne pas réussir à se relever à temps, après sa chute sur les rails. Il a dû être tué à 4 h 20 du matin, heure du passage du train 240, au même endroit.
Son père, Pierre Chaumuzeau, de Beaugency, ira déclarer lui-même son décès, le même jour, à quatre heures du soir, à la mairie de Mer. Il laisse une veuve, Rose Elisabeth Guillard, trente-et-un ans. Ils n’étaient mariés que depuis trois ans.
Rien dans le rapport ne dit ce qu’il est advenu du chien.
Sa femme, Rose Elisabeth Guillard, native d’Autainville, Loir-et-Cher, va quitter la région pour Paris, où elle va être cuisinière. Elle se remariera le 5 février 1874, à Paris 9e, avec François Joseph Dubouclé, gendarme originaire du Doubs. Le couple retournera à Autainville, y finir ses jours.