La soirée a été agitée au cabaret de Saint-Sulpice, Loir-et-Cher, le 4 juillet 1875. Celui-ci est tenu par Philippe Morand, quarante ans. Ce soir-là, à huit heures trois quart du soir, Michel Bouzy, vingt-neuf ans, conseiller municipal de la commune, et Pierre Bordeaux, cinquante-cinq ans, garde-forestier au même lieu, ont eu une altercation.
Pierre Bordeaux a reçu deux coups de bouteille assenés par Michel Bouzy, qui ont provoqué une perte de sang. Appelés sur les lieux le lendemain matin, à sept heures, par le maire de la commune, les gendarmes constatent les faits en trouvant les débris des deux bouteilles et une assez grande quantité de sang sur une table et sur le carreau. Philippe Morand, l’aubergiste, leur raconte qu’à ce moment-là, il était absent de la salle de consommation. Il servait un kilo de chandelles et sa femme était dans la cour. Il a seulement entendu Michel Bouzy dire à Pierre Bordeaux qu’il lui devait de l’argent et il le réclamait. Il s’agissait de onze sous. Bordeaux lui a demandé s’il avait le monnaie sur cent francs et “si tu n’as pas le sou, tiens, les voilà, mes comptes sont réglés, les tiens ne le sont pas”. Il a bien entendu cela mais il n’a pas vu les coups de bouteille.
Il y avait en tout sept consommateurs dans la salle. Cinq prenaient un café et les deux autres, Bordeaux et André Berthelot, quarante-deux ans, avaient bu une bière et s’appretaient à partir. Parmi les buveurs de café se trouvait Joseph Guerrier, trente-sept ans, fendeur à Saint-Sulpice. Son témoignage a précisé que Bordeaux a demandé ses sous pour payer son café. Bordeaux lui a répondu “oui, je le sais, ma femme me l’a dit avant sa mort, elle te dois onze sous”. Il est veuf depuis trois semaines, et il a jeté les sous sur la table. C’est à ce moment là que Bouzy a saisi ce qui se trouvait sur la table : une chopine et une bouteille de bière, et les a brisés sur la tête de Bordeaux.
Onze sous, c’est peu pour s’énerver, mais le contentieux entre les deux hommes dure depuis plus longtemps. Pierre Bordeaux est garde-forestier et Michel Bouzy est………… un braconnier. Il a déjà été pris sur le fait et condamné pour cela.
Lorsque que Pierre Bordeaux lui a dit que les comptes n’étaient pas réglé, il ne parlait pas forcément d’argent.
Lorsque les gendarmes se rendent chez lui pour prendre son témoignage, ils le trouvent couché, le visage marqué par deux traces de coup : une à la tempe gauche avec cicatrice fermée par l’enflure et une plaie à la joue du même côté. Il ne parle pas aux gendarmes, est-il en état ? Il vit seul et une femme de journée et une parente sont restées près de lui toute la nuit. Les gendarmes conseillent à son beau-frère, garde-forestier comme lui, de l’emmener chez le médecin pour le soigner et obtenir un certificat constatant la gravité des blessures, à joindre au procès-verbal.
Interrogé à son tour, Michel Bouzy ne nie rien. Au contraire, il confirme les faits accompagnés de ses regrets. Il n’a pas bonne réputation dans la commune. C’est un joueur et un dissipateur.
Une parole de trop, des contentieux forestiers et deux bouteilles de bière, il n’en faut pas plus pour atterrir au tribunal.
Reste à savoir quelles suites ont été données à l’affaire ………….. par le juge.