Pierre Lemoine est un drôle de loustic. C’est mon sosa 292. Il est né le 26 décembre 1695, à Harfleur. Il est le sixième enfant, sur quinze, d’André Lemoine et Catherine Merlin. André est bourgeois et sergent. Son sixième enfant est baptisé Pierre, mais il est parfois prénommé Pierre André, ce qui pose problème parce qu’il a un frère, qui s’appelle Pierre André, plus jeune que lui de quatorze ans.
Mon Pierre ancêtre se marie à vingt-trois ans, avec Marie Marguerite Benard, le 20 février 1719. La jeune mariée a vingt-six ans. Pierre est cavalier à la maréchaussée. Lui et sa femme vont avoir neuf enfants jusqu’en 1731, date du décès de Marie Marguerite.
Rien que de banal n’est-ce pas. Seulement voilà, Pierre a une maîtresse, Catherine Campion. Elle vit au Havre, paroisse de Notre Dame, et elle va lui donner trois enfants adultérins et illégitimes, dont le premier, en mars 1722, trois ans après son mariage. La seconde, Marie Françoise Joséphine, naît le 11 décembre 1726. C’est grâce à elle que le lien sera fait entre le Pierre Lemoine semant des enfants illégitimes et le Pierre Lemoine, époux légitime de Marie Marguerite Benard.
Pierre n’est pas un si mauvais bougre. Trois mois après la mort de sa femme légitime, il épouse sa maîtresse, Catherine Campion, le 20 septembre 1731, à Epretot. Ils s’installent à Saint-Romain-de-Colbosc où Pierre vit depuis 1730. Ils vont avoir quatre enfants, légitimes cette fois.
Catherine Campion décède en 1758. Pierre va rester « célibataire » pendant cinq ans avant de se remarier, une troisième fois, avec Marie Jeanne Thérèse Breard. Il a soixante-sept ans, elle en a trente-sept, et la lignée des enfants de Pierre continue. Avec sa nouvelle femme, il a sept enfants. Il ne connaîtra pas le petit dernier, André Cyprien, qui naît sept mois après sa mort.
Pierre décède le 13 mars 1774, à l’âge de soixante-dix huit ans, à Harfleur, paroisse de sa naissance. Il est inhumé au cimetière au champ fleuri. Malgré son grand âge, il est toujours qualifié de cavalier de la maréchaussée.
Mais revenons à Marie Françoise Joséphine, née le 11 décembre 1726. Après tout, il aurait pu y avoir deux Pierre Lemoine, le nom et le prénom sont très répandus. Et même si mon Pierre Lemoine épouse une Catherine Campion, elle aurait pu être l’homonyme de la Catherine du Havre.
Lorsque Marie Françoise Joséphine se marie, à vingt-cinq ans, avec Fabien Lestrelin, le 14 février 1752, à Saint-Romain-de-Colbosc, elle est dite fille puinée de Pierre Lemoine, cavalier de la maréchaussée, et de Catherine Campion. Or mon Pierre était marié avec Marie Marguerite Benard, vingt-cinq ans plus tôt. Il n’est marié avec Catherine que depuis vingt-et-un ans et leur première fille légitime ne naît qu’en 1737, et n’a que quinze ans le jour des noces. Les deux Pierre ne sont qu’un, et le mariage de sa troisième fille illégitime apporte une pierre de plus à l’édifice.
Le curé a généreusement occulté le fait que Marie Françoise Joséphine n’a pas été légitimée (impossible, puisqu’elle est adultérine), et rien dans l’acte de mariage ne laisse voir la vie un peu tumultueuse de Pierre Lemoine. Il en sera de même au mariage de Marie Hypolite, la troisième enfant adultérine, mariée en 1752, à Saint-Romain-de-Colbosc.
Au total, il aura eu vingt-trois enfants, dont trois adultérins, enfin, pour l’instant. Car entre la mort de sa seconde femme et la naissance de leur dernier enfant, il va s’écouler vingt années.
Alors, Pierre était-il juste amoureux d’une autre femme que la sienne, qu’il finira par épouser ou Pierre était-il un cavaleur ? Dans ce dernier cas, je doute qu’il soit resté sage pendant vingt ans ?