En ce jour de fête nationale, les lumières brillent, les militaires défilent, fringants dans leurs uniformes impeccables. Une foule estivale et cosmopolite les acclame sans arrière-pensée, admirant leur prestance et la rigueur de l’exercice.
Pourtant, le 14 juillet fut le « top départ » d’une des périodes les plus sanglantes de l’histoire de France. La foule, venant assister aux défilés quotidiens, n’applaudissait pas une parade magnifique et martiale, mais huait des tombereaux chargés des victimes de « la veuve », la guillotine.
Durant la « terreur » révolutionnaire, au moins 17 000 personnes finirent sur l’échafaud. Puis, la paix s’installant de nouveau dans le pays, la guillotine continua à faire se déplacer les foules, familles complètes au spectacle, pour les exécutions des criminels ou jugés tels par la justice de l’époque.
Pour beaucoup, voire pour la quasi-totalité de la population, la guillotine était un objet à la fois de terreur et de fascination.
Pour une poignée de français, elle était un outil de travail.
Le 6 Vendémiaire de l’an VIII, à Blois, le charpentier Roulleux, et l’exécuteur des jugements criminels, Doublot, font un état des lieux de la « machine à décapiter », des deux échafauds et des accessoires, ainsi que des réparations à y prévoir. Rien que le terme de « machine à décapiter » montre bien le côté « travail » de l’objet.
Première demande, il faut un panier neuf pour recevoir les corps, et un panier neuf pour recevoir les têtes, les deux peints et doublés de cuir. L’ancien panier est hors d’état de servir. Deux paniers, pour le côté pratique : un pour devant, les têtes, un pour derrière, les corps.
Le seconde demande concerne la « machine à décapiter ». Il faut :
- Des poulies en cuivre pour le chapiteau de la machine,
- Ajouter une planche à la planche de bascule portant sur le panier,
- Des tabliers en cuir attachés de l’autre côté de la planche à bascule,
- Une garniture de plusieurs morceaux de cuir dans le bas des coulisses de montants de la machine,
- Et il faut aiguiser le tranchant du mouton
La troisième demande concerne des réparations à faire au grand échafaud :
- Plusieurs poteaux vestulés par leur mortaise et en lassure, ainsi que plusieurs traverses, les panneaux du pourtour, sont à réparer, ainsi que les planches des crochets, pitons et lacets retenant lesdits panneaux,
- L’escalier est à réparer tant pour le bois que pour les ferrures,
- Il faut assujettir au pied de l’échafaud, un banc pour déposer et attacher les condamnés, lorsqu’ils sont plusieurs à exécuter (chacun son tour),
- Il faut un marche pied au bas de la planche à bascule de la machine, pour les condamnés de petite taille (gentille attention),
- Il faut garnir l’échafaud d’une balustrade autour, comme à Paris, pour parer à tous évènements imprévus de la part des condamnés et pour la sureté de l’exécuteur.
La quatrième demande concerne les réparations à faire au petit échafaud :
- Une partie des poteaux entre toise qui sont vestulés dans leurs mortaises et en lassure,
- Les panneaux du plancher à réparer, ainsi que l’escalier, plusieurs chevilles d’assemblage en fer, deux pitons et deux crochets en fer pour retenir l’escalier à l’échafaud,
- Il faut aussi plusieurs poteaux d’exposition et tabouret.
Outre ces réparations, les deux hommes réclament la construction d’une voiture et ridelle de trois pieds et demi de haut, avec plusieurs bancs, et un marche pied assujetti derrière la voiture dans toute sa largeur, pour faciliter au condamné de monter et descendre de ladite voiture, tel qu’à Paris.
En conclusion de ses réparations et améliorations à apporter à la machine à décapiter et à ses accessoires, les deux hommes ajoutent une observation très pertinente :
« Lors qu’il y a exécution pour la peine capitale, il est absolument nécessaire qu’il soit donné un réquisitoire pour qu’il soit passée de la force armée autour de l’échafaud, pour empêcher que personne ne monte dessus, notamment les enfants, pour parer aux inconvénients qui pourraient en résulter. »
Des enfants montant sur la guillotine pour jouer, cela fait froid dans le dos………et pourtant !!
Cette note comptable, adressée au département, a dû se retrouver mélangée avec les notes demandant de la nourriture pour les bureaux de bienfaisance, de nouvelles chaises pour les greffiers du département, et des tapis pour le bureau du préfet. Ce n’était, ni plus, ni moins, qu’un instrument de travail, comme aujourd’hui, on demanderait un nouveau chasse-neige ou une estrade pour le concert de la fête du 14 juillet.