Si certains sujets du challenge UPro-G me posent problème, et m’obligent à me creuser la tête dans tous les sens pour en extirper une idée valable, cette fois, pour la guillotine, c’est le contraire. J’ai deux sujets et je n’ai pas envie de choisir.
Hier, ce fut « la machine à décapiter », aujourd’hui, ce sera la peau de Joseph Auguste.
Le soir du 13 mars 1835, à Blois, rue du Puits-Chatel, vers 17 heures, les époux Joseph Dubois et Emilie Pitay, sont assassinés, chez eux. Joseph Auguste Renvoizé, le filleul de Joseph Auguste, dix-sept ans, apprenti tonnelier, les a assassinés à coup de couperet, pour les voler.
Joseph et Emilie ne sont mariés que depuis sept ans et n’ont, ni l’un, ni l’autre, d’enfant. Joseph, propriétaire à Blois, a soixante-cinq ans et Emilie, cinquante-huit ans. Ils vivent de leurs rentes, rue du Puits Chatel, dans la partie moyenâgeuse de la ville, au pied de la cathédrale.
En 1817, à la naissance de Joseph Auguste, son filleul, Joseph est homme de confiance chez madame Baudry. Mais en 1804, il est jardinier à Suèvres et c’est probablement à cette époque, qu’il a fait connaissance avec la famille Renvoizé. L’inventaire des papiers du couple, après leur décès, montre que Joseph a bâti sa fortune grâce aux dons et legs que lui ont fait ses patrons successifs.
Joseph Auguste est le troisième fils (en vie) de Jean Renvoizé, laboureur, et de Marie Mestivier. Ils se sont mariés, en 1806, à Suèvres, où ils vivent et où naissent leurs enfants, dont seulement trois atteignent l’âge adulte : Jean Pierre, né en 1811, Paul, né en 1812, et Joseph Auguste, né en 1817. Joseph Auguste a quatorze ans lorsque son père décède, propriétaire cultivateur, le 30 novembre 1831, en déplacement à Saint-Gervais.
Le 2 mai 1832, l’inventaire après décès dressé par le notaire, montre un milieu aisé : quatre chevaux à l’écurie, cinq vaches et un âne à l’étable, centre trente deux brebis, deux béliers, cinq moutons, soixante-dix-sept agneaux, dans la bergerie, quatre-vingts kilos de porcs au saloir, soixante poules et coqs.
Son frère aîné, Jean Pierre, est clerc de notaire à Ouzouer-le-Marché. Son second frère, Paul, reprend l’exploitation familiale. Joseph Auguste, le troisième, est apprenti tonnelier. Paul est marié depuis deux ans lorsque le drame éclate.
Qu’est-il passé par la tête de Joseph Auguste ce soir-là ? Le crime est estimé avoir eu lieu vers dix-sept heures, le 13 mars. Le 16, Joseph Auguste est arrêté et incarcéré à la maison d’arrêt de Blois, sur ordre du juge d’instruction, en date du 15 mars.
Joseph Auguste ne mesure que 1.45 m, il est blond aux yeux bleus, au visage sans caractéristique bien particulière, excepté un nez gros et rouge. Le 24 avril, Joseph Auguste est envoyé devant la cour d’assise du Loir-et-Cher, comme accusé d’un double assassinat. Il est transféré à la maison de justice, le 4 mai. En l’espace de quelques semaines, il a grandi de quinze centimètres, est devenu châtain et son nez, devenu normal. Etait-il sous l’emprise de la boisson au moment des faits ?
Son procès a lieu les 18 et 19 août 1835. Il est accusé d’avoir volontairement et avec préméditation donné la mort aux époux Dubois, et d’avoir commis ce crime pour faciliter le vol d’argent et d’effets mobiliers dans la maison et au préjudice des époux Dubois. Il est défendu par maître Vallon.
Aucune circonstance atténuante n’est trouvée, et malgré son jeune âge et l’absence d’antécédant, il est condamné à mort par le tribunal, à avoir la tête tranchée sur une des places publiques de Blois. Il devra également payer trois cent cinquante francs pour le remboursement des frais envers l’état, ce qui doit être le cadet de ses soucis.
Son avocat demande un pourvoit en cassation qui est refusé, les articles de loi avec lesquels il a été jugé, ayant été reconnus compatibles avec les faits.
Le 14 novembre 1835, le verdict est confirmé à Joseph Auguste, deux heures avant l’exécution. Le bourreau, Charles Desfourneaux, vient le chercher à la prison. Escorté de gendarmes et d’un détachement de la garnison, il est emmené jusqu’au lieu d’exécution, à côté de la prison, sur la grand-pièce. Joseph est pris de faiblesse et les bourreaux doivent le porter jusqu’à l’échafaud. Il est dix heures du matin. La foule est immense qui attend le « spectacle » de la justice.
Joseph Auguste est installé sur la planche qui bascule, l’exécuteur actionne le mécanisme………….. le tranchet libéré s’abat sur le cou…………. Et la tête ne tombe pas dans le panier. Elle reste accrochée au corps.
C’est la panique chez les bourreaux et les officiels, le scandale suivant les journalistes, l’effroi dans la foule. Le tranchet doit être remonté et actionné une seconde fois pour que la tête tombe enfin dans le panier.
Evidemment, une enquête est diligentée. Il en résulte que les montants de la machine dans les rainures desquels passe le tranchet, sont gauchis, ralentissant sa chute. Le col a bien été tranché, mais pas suffisamment, la peau est restée intacte et retient la tête. Joseph est bien mort au premier coup. Le docteur Baschet en est témoin.
Alors que tous les officiels veulent la « tête » du bourreau, le procureur général estime que l’incident n’est pas le fait de sa maladresse, mais d’une trop longue inaction de la machine !!! On ne guillotine pas assez. Ce rapport ne suffit pas à éviter à Charles Desfourneaux une peine de quinze jours sans solde. Il lui est reproché de ne pas avoir bien entretenue la guillotine.
L’année suivante, pour éviter que cela ne recommence, Charles Desfourneaux demande la réparation du « matériel » auprès de la préfecture.
La justice est passée, Joseph Auguste Renvoizé, dix-huit ans, a été exécuté. Son crime ne semble pas avoir « trop » troublé la vie de ses frères.
Son frère, Paul, est resté à Suèvres, exploiter les terres familiales.
Son frère, Jean Pierre, a fait carrière de notaire dans le Loiret.