Pour le challenge UPro-G d’avril 2021, le sujet est “une succession collatérale”. Après avoir farfouillé dans mes archives, j’ai trouvé clle de Pierre Silvain Chevallier.
Si une succession directe est l’occasion de reconstituer le patrimoine familial et sa transmission, d’une génération à l’autre, les successions collatérales permettent, parfois, de démêler l’écheveau des liens familiaux entre les héritiers.
Lorsque Pierre Silvain Chevallier décède, le 27 juin 1852, à Lancé, à sept heures du soir, il n’a que dix-huit ans. Il est cultivateur aux Loges. Fils de Michel Pierre Chevallier et de Marie Claire Anjorand, il est orphelin de père. Sa mère est remariée à Sébastien Gallois, qui déclare son décès le lendemain, à six heures du matin (les maires étaient des lève-tôt, quoique, six heures du matin, à l’époque, c’est huit heures du matin, aujourd’hui). Le beau-père du jeune homme, âgé de quarante-cinq ans, est cultivateur. Autre témoin présent, le grand-père paternel, Pierre Chevallier, âgé de soixante-dix ans, est lui aussi cultivateur dans la commune.
Même s’il est jeune et non majeur, Pierre Silvain a une déclaration de succession. N’ayant pas d’enfant, ses héritiers vont donc être sa mère, encore en vie, et ses éventuels frères et sœurs. Que peut-il bien y avoir dans la succession d’un si jeune cultivateur ?
Tout simplement ce qu’il a reçu, de son vivant, comme succession, à commencer par celle de son père.
Ce dernier est décédé le 23 février 1841, à l’âge de trente-six ans. Lui aussi était cultivateur. Cela faisait presque dix ans qu’il était marié avec Marie Claire Anjorand, la mère de Pierre Silvain. Cette dernière, devenue veuve, s’est remariée le 4 juillet 1843, avec Sébastien Gallois, célibataire.
Silvain s’est retrouvé orphelin de père à l’âge de huit ans. Il est l’aîné d’une fratrie de trois enfants. Marie Marguerite Désirée est née deux ans après lui, suivie, quatre ans après, par Jules Eléonore.
Au décès de son mari, Marie Claire est devenue, tout naturellement, tutrice de ses enfants, et un conseil de famille a nommé Pierre Chevallier, le grand-père, subrogé-tuteur.
Un petit couac vient s’introduire dans cette logique administrative et légale. Lorsqu’elle s’est remariée, Marie Claire a oublié de convoquer un conseil de famille. De fait, elle a perdu la tutelle de ses enfants.
Mais cinq mois après, un nouveau conseil de famille la réintègre dans la tutelle de ses enfants, et, son nouveau mari est nommé co-tuteur solidaire.
Nous en sommes là de leur histoire lorsque Pierre Silvain décède.
Il a, logiquement, hérité d’un tiers de la succession de son père. Et, tout aussi logiquement, ses sœurs et sa mère doivent hériter de lui.
Le 24 décembre 1852, son beau-père, Sébastien Gallois, se rend aux bureaux des successions pour faire sa déclaration. Et là, surprise, si la mère est bien nommée, héritière pour un quart de la succession de son fils, la fratrie n’est pas la même que pour le conseil de famille. Marie Marguerite Désirée et Jules Eléonore, sont héritiers pour 5/6 des trois quarts restants, de leur frère.
Le 1/6 restant va à son frère utérin, François Gallois. Pourquoi n’héritent-t-ils pas tous d’un quart ? A cause de la fameuse fente successorale.
La moitié de sa succession restante (les ¾) va à ses héritiers de la branche paternelle, ses deux frère et sœur consanguin, l’autre moitié à ses héritiers de la branche maternelle, ses trois frères et sœur utérins. Cela tombe bien, son frère et sa sœur consanguins sont également utérins, donc germains. Vous suivez toujours ?
Donc, la moitié de ce qui reste de la succession est partagé en deux et l’autre moitié en trois. Ce qui fait 1/6 pour celui qui n’est qu’utérin et 5/6 en tout pour les deux autres, les germains.
Les trois sont mineurs et sous la tutelle du couple Gallois.
Mais de quoi vont-ils hériter ?
Ils vont hériter du tiers de la succession de Michel Pierre Chevallier, et de la part échue à Pierre Silvain dans la succession de sa grand-mère paternelle, Claire Randuineau, décédée après son fils. Du premier, il a hérité 552.65 francs, partagés en ¼ à sa mère et ¾ à ses frères et sœur. Il s’agit de mobilier et de la garde-robe du père.
De sa grand-mère, il a hérité du tiers des terres, d’un revenu annuel de 42 francs, au capital de 280 francs, et là encore, ¼ va à sa mère et ¾ à ses collatéraux.
Jules Eléonore ne vivra pas bien vieux non plus. A l’âge de trente-et-un ans, marié à Françoise Adèle Crosnier depuis 1865, il décèdera, à Lancé, le 1er février 1871. De la guerre ?
Marie Marguerite Désirée, qui s’appelle en réalité Marie Madeleine Désirée, se mariera en 1853, avec Denis Retif. Elle décèdera en 1903, à l’âge de soixante-huit ans.
Quand au demi-frère, François Gallois, il sera suivi par au moins deux autres frères, qui, nés bien après, n’hériteront pas de leur frère Pierre Silvain.