Lorsque François Eugène Tondereau épouse Marie Victorine Callu, il n’imaginait peut-être pas, la grande famille qu’ils allaient fonder. Mariés à Rocé, le couple s’installe à Faye, où naissent leurs dix premiers enfants : cinq garçons et cinq filles. Eugénie Louise Adrienne est la dernière à naître dans la commune, et la seule à mourir en bas-âge.
La famille déménage pour Oucques où vont naître les trois derniers, deux garçons et une fille.
En l’espace de seize ans, Marie Victorine va mettre au monde treize enfants : sept garçons et six filles ; onze atteignent l’âge adulte.
C’est une très belle famille que François Eugène et Marie Victorine ont fondé. Le seul problème est leurs dates de naissance. Ils se sont mariés en 1879 et leurs enfants, surtout leurs fils, sont nés entre 1880 et 1895. Ils auront le triste privilège d’être mobilisables le 1er août 1914.
Lorsque la guerre éclate, l’aîné a trente-deux ans, le plus jeune, vingt-et-un ans : ils sont tous mobilisables, comme leurs quatre beau-frères, Jacques Adam, Henri Vernouillet, Abel Thomas et Jules Vervant, les époux de leurs soeurs. Trois des garçons sont mariés. Le plus jeune est déjà à l’armée, tous les autres sont appelés dès le décret de mobilisation.
Arthur, Eugène, Gaston, Paul et Louis Tondereau, vont au front, avec des destins divers :
Arthur semble avoir traversé toute la guerre sans une égratignure.
Gaston est blessé par éclat d’obus en 1916, intoxiqué par les gaz ypérites en 1918.
Eugène est porté disparu le 23 septembre 1914, à Montblainville. Il faudra attendre le 26 décembre 1919 pour que la disparition d’Eugène se transforme en avis de Mort pour la France.
Paul, de son vrai prénom, Hippolyte Paul, est célibataire lorsqu’il part à la guerre. Agé de vingt-quatre ans, il est réserviste au 46e régiment d’infanterie. Il est blessé le 30 août 1914, à Fossé-sur-Meuse, dans les Ardennes. Une balle lui traverse le bras gauche. Cela ne l’empêche pas de se battre pendant deux heures avant d’être évacué. Il est envoyé à Mortagne, dans l’Orne, chez l’habitant, puis en convalescence à Chirac, en Lozère, avant de retourner au front. Ces faits ne sont pas mentionnés dans son feuillet matricule. Paul de retour au front, est fait prisonnier le 8 janvier 1915,
Saturnin Aurélien, l’avant dernier fils, obtient l’exemption grâce à la présence au front, de ses quatre frères aînés et de son cadet.
Le plus jeune, Louis, est déjà à l’armée, quand la guerre est déclarée. Il sera cité trois fois et obtiendra la croix de guerre avec trois étoiles d’argent.
Le destin des gendres est aussi varié :
Henri Vernouillet est fait prisonnier à la bataille de Montblainville, celle où est décédé son beau-frère Eugène.
Jules Vervant sera comme Arthur, à priori indemne.
Abel Thomas, sera blessé trois fois, par balle et éclat d’obus, cité deux fois, il aura la croix de guerre avec deux étoiles de bronze.
Jacques Adam, le plus âgé, fera la guerre d’abord dans l’artillerie, le train puis détaché agricole.
Dix destins d’hommes d’une même famille, bouleversés par la guerre.
Je me demande comment Saturnin et les autres hommes de la famille, ont vécu son exemption, une fois la guerre terminée.
Resté seul à la maison, pour aider son père et sa famille, il a du remplacer tous ceux qui étaient parti. Mais une fois l’armistice arrivé et le retour de ses frères et beaux-frères ? Difficile d’être celui qui est resté grâce au départ des autres. Difficile d’être celui qui n’a pas combattu sans raison médicale. Et le regard des autres, des voisins, des habitants de la commune ? Lui seul aurait pu le dire.
Ils étaient destinés à être de la chair à canon, pourtant, un seul n’est pas revenu. Mais un de trop. Dix hommes, dix destins, une même famille.
