La lettre Y nous ramène à Blois, dans le faubourg de Vienne.
Constant Jolly, gendarme à cheval à la résidence de Blois, est planton au chemin de fer, ce 24 février 1875.
Il est deux heures de l’après-midi, lorsqu’il voit Adrien Bruneau, cinquante ans, cabaretier rue des Chalands, venir vers lui pour obtenir son aide. Un de ses clients refuse de le payer et s’apprête à prendre le train pour Paris. Il a mangé et bu pour huit francs et trente centimes.
Le cabaretier désigne le resquilleur qui n’a pas voulu régler sa note et le gendarme voit un homme, sur le quai de la gare, dans un état complet d’ébriété.
L’ayant abordé, Constant Jolly lui demande ce qu’il fait dans un état pareil. La réponse est simple : il prend le train et il a un billet.
Le gendarme l’informe qu’il est en contravention à l’article 1er de la loi du 23 février 1873, sur l’ivresse et qu’il doit lui dresser un procès-verbal. Il attrape l’individu par le bras pour le soutenir, ce dernier tenant difficilement debout tout seul, et se fait aider de l’agent de police Fleury pour le conduire au violon de la ville.
Petit aparté : l’expression « le conduire au violon » figure noir sur blanc dans le procès-verbal d’arrestation. Ces PV regorgent du langage fleuri des gendarmes, conforme au langage de l’époque.
Réalisant ce qui est en train de lui arriver, le filou commence à résister à son interpellation. Il résiste et il insulte les gendarmes, les traitant de fainéants et de propres à rien, leur recommandant de manger leur chapeau et leur sabre.
Ajoutant le geste à la parole, il se jette sur Constant Jolly, et tente de lui arracher les aiguillettes (là, je suppose qu’il s’agit d’une partie de son uniforme … ou peut-être d’autre chose !!) avec la main gauche. Il le lâche immédiatement, se rendant compte qu’il ne fait pas le poids face au gendarme et à l’agent de police.
Il est traîné manu-militari au bureau de police.
Son identité est relevée. Il s’agit de Siméon Poicheveux, vingt-sept ans, jardinier, fils de Pierre François Poicheveux et Françoise Marie Anne Regnier. Il est natif du faubourg de Vienne où il demeure. La fouille au corps permet de découvrir la somme de 12.30 francs (il pouvait donc régler la note du cabaretier), un mouchoir de poche et une lettre volée à Adrien Bruneau.
Qu’y a-t-il dans la lettre ? Cela n’est pas indiqué au procès-verbal, si ce n’est que le cabaretier l’avait réclamée, car elle a une grande importance pour lui. Plus que les 8.30 francs ?
Simon est arrêté pour insultes et rébellion, en plus de l’ivresse sur la voie publique. Son signalement est soigneusement noté sur le procès-verbal : taille 1.67 m, cheveux et sourcils châtains, front couvert, bouche moyenne, menton rond, visage plein, teint coloré (vu l’ivresse, c’est plutôt normal), et yeux gris.
Notre filou rebelle a les yeux gris et je gage que lui, et ses yeux gris, ont bénéficié de l’hospitalité du violon, au moins quelques heures.
Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’aurais bien aimé savoir ce qu’il y avait dans la lettre.