16 août 1870 – ça tombe comme à Gravelotte

e16 août 1870 – ça tombe comme à Gravelotte

Cette expression entrée dans le langage, tant civil que militaire, prend sa source le 16 août 1870. Elle signifie aujourd’hui qu’il pleut beaucoup, avec intensité.

Au petit matin, l’Empereur se prépare à quitter Gravelotte pour Verdun. Il part, entre 4 et 5 heures du matin, avec son fils, sous l’escorte de la 2e brigade de cavalerie de la garde. Le Maréchal Bazaine doit le rejoindre, dès que le regroupement de l’armée.

C’est toujours le bazar sur les routes. Pour cette raison, certains régiments tardent à rejoindre leurs divisions.

Là, les avis divergent. L’Empereur aurait dit au Maréchal Bazaine de rejoindre Verdun dès que les troupes seraient prêtes. Mais le Maréchal aurait entendu, dès qu’elles seraient toutes rassemblées.

Ce dernier n’est pas prêt à battre encore en retraite, alors il ne fait pas partir les régiments déjà au complet. Les généraux attendent un signal de départ du Maréchal qui ne vient pas. L’Etat-Major ne tient aucun compte des rapports indiquant la présence en force, de l’armée prussienne.

Les tentes démontées sont remontées, et les hommes commencent à prendre leur repas. Du moins ceux dont les voitures de ravitaillement ne sont pas bloquées quelque part, sur une route.

Positions de l’armée française

A 9 heures du matin, tous les régiments ne sont donc pas encore arrivés, toujours coincés dans les embouteillages.

L’armée française s’étale sur 4 km, entre Saint-Marcel et Flavigny. Trois divisions sont déployées en première ligne, face à l’Ouest, avec deux divisions de cavalerie devant elles, à Vionville.

Plus au Nord, à Conflans, une division de cavalerie, réduite à un seul régiment, précède, de quelques km, la tête de la colonne d’infanterie.

En arrière, cinq autres divisions, avec la réserve de l’artillerie de trois corps d’armée, la réserve générale d’artillerie et une division de cavalerie, s’échelonnent sur une profondeur de cinq km, jusqu’à Gravelotte.

Plus au Nord, quatre divisions d’infanterie avec une division de cavalerie s’étalent sur le flanc droit de l’armée. Elles sont entre la ferme de Caulre et Amanvillers, sur 7 km de profondeur.

Une division de cavalerie a dépassé Saint-Privat. Une autre, précédée d’une réserve d’artillerie, est sur la route de Briey et débouchant des bois, est en vue d’Amanvilliers.

Pour terminer, deux autres divisions d’infanterie stationnent à Lessy et Devant-les-Ponts.

carte topographique de Gravelotte
carte topographique de Gravelotte – archives privées

Malgré l’alerte de la veille, il n’y a aucune recherche sur les positions des régiments prussiens qui les ont attaqués.

Les troupes installent les campements n’importe comment. Certains sont largement en vue de l’ennemi, sans protection particulière. Pire encore, la ligne de crête qui cerne les campements est sans protection. L’artillerie prussienne peut alors s’y installer tranquillement.

Bataille de Gravelotte
Bataille de Gravelotte – collection privée

La bataille de Gravelotte

A 10 heures du matin, les premiers obus tombent sur l’armée française. La bataille de Gravelotte commence. Elle s’appelle également la bataille de Rezonville. L’armée française est sur un plateau dont l’accès se fait par d’étroites vallées et sur des chemins larges de quatre pas et bordés de murs de vignes.

Je vous épargnerai les mouvements de troupe et les ordres militaires. Un article n’y suffirait pas. Je vais me contenter de vous donner le témoignage des médecins des ambulances qui durent intervenir ce jour-là et en ont gardé, à vie, des visions de cauchemar et des regrets infinis.

A huit heures du soir, les combats cessent. Les pertes françaises s’élèvent à 16 124 soldats français ainsi que 837 officiers : 1 267 morts, 10 112 blessés et 5472 disparus. Parmi les morts figurent, à l’état-major, le général de division  Legrand, et deux généraux de brigade, Brayer et de Marguenat. Cinq autres généraux sont blessés.

La bataille a eu lieu sur les communes de Rézonville, Gravelotte, Doncourt, Vionville, Mars-la-Tour, Tronville et Flavigny, pendant huit longues heures.

Les prussiens se sont emparés de Mars-la-Tour, mais les français sont restés maîtres du champ de bataille. Et comme pour Borny, pourtant, ils continuent de reculer.

Les ordres de l’Empereur sont de se retirer sur Metz.

Les blessés

L’armée donc se retire, dans le désordre, comme depuis le début de cette guerre, et les ambulances et les blessés ne font pas partie des priorités de l’Etat-major.

A sa décharge, ce dernier croit que la convention de Genève les protège. Ce qui ne sera pas le cas.

Une partie des blessés est évacuée sur Metz. Malheureusement, les ambulances n’ont pas assez de voiture pour tous les emmener. Les blessés restés à Rezonville et à Vionville tombent entre les mains des prussiens et sont faits prisonniers.

« Combien il nous a été pénible de ne pouvoir faire complètement l’évacuation de nos blessés de Gravelotte sur Metz. Nous n’avions que 25 voitures de réquisition pour nos 350 blessés, 80 seulement ont pu y trouver place. Les autres ont dû être abandonnés dans un état que nous pouvons dire déplorable. On peut se figurer ces malheureux couchés depuis quatre jours sur de la paille non renouvelée, dans des réduits obscurs où le méphitisme commençait à se faire sentir, et chose aussi terrible, en proie à la soif ou à la faim. Les quelques provisions qui nous avaient été données en partant de Metz avaient été bien vite épuisées, nous avons fait une petite distribution de biscuit et de café, c’est là tout. Nos blessés n’avaient rien à attendre de l’ennemi, il avait tout pillé dans le village, on ne pouvait même plus trouver une goutte d’eau. Tout ce qu’on pouvait se procurer était une eau vaseuse, repoussante, la misère, à Gravelotte, était à son comble. Que l’on songe à ce qu’on pu devenir nos malheureux soldats abandonnés au milieu d’une telle dévastation ! l’autorité militaire prussienne a manqué aux plus simples lois de l’humanité en ne faisant aucune distribution de vivres, ni même d’eau à nos soldats, ses prisonniers » – Docteur Cuvelier.

Les blessés réunis à la ferme de Mogador sont transportés à Metz le 17, jusque dans la nuit, par les voitures de la Société française de secours aux blessés. J’ai déjà relaté les évènements arrivés à la ferme de Mogador, dans un autre article

Sinistre conclusion

Le constat médical est simple : « la mort d’un quart des blessés est due au manque de moyens de transport pour les évacuer et au retard dans les soins du premier pansement. La plupart des blessés de Gravelotte qui vont mettre six jours à atteindre les ambulances de Metz et n’ont reçu, entre temps, aucun vrai pansement médical, vont mourir » – Dr Grellois

Au 91e de ligne, le médecin-major Paret, qui dirige l’ambulance, fait état de 3 officiers tués, Le capitaine adjudent-major Magnol, le capitaine Guillemaut et le sous-lieutenant Victorin, de 14 officiers blessés, dont le colonel Daguerre, atteint par des éclats d’obus, à la jambe gauche. Parmi les sous-officiers et la troupe, 37 hommes sont morts et 303 blessés.

Les blessures sont toujours les mêmes : Armand Augustin, coup de feu à la jambe droite ; le caporal Baurès, un coup de sabre à la tête ;  sergent Bayard un coup de feu au bras gauche; Lucien marie Faivre  deux éclats d’obus à la cuisse droite et au mollet, et c’est toujours la même litanie : coups de feu, éclats d’obus, coups de sabre. Certains blessés ne survivront pas, comme Henri Favé, mort le 10 septembre d’un coup de feu au flanc droit reçu à Gravelotte.

La bataille de Gravelotte-Rezonville est terminée. Beaucoup d’hommes sont tombés, à Gravelotte.

Effectivement, “tomber comme à Gravelotte” prend tout son sens, même si l’expression est plutôt attribuée à la “pluie” de bombes et de mitrailles qu’à l’hécatombe des troupes.

Mais beaucoup d’autres vont encore tomber, durant d’autres batailles.

 
Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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