Le 23 février 1908, Clementine Lambert, femme d’Emile Beloin, soixante-et-un ans, se rend à l’arrêt conditionnel de la Croix-Rouge, à Vineuil, Loir-et-Cher. Elle compte bien sur cet arrêt pour donner des lettres à poster au tramway.
Le train n°5, de la ligne Lamotte-Beuvron à Blois, à 4h45 du soir, arrive à la Croix-Rouge et s’arrête le temps réglementaire. Clémentine, dès le train arrêté, se rend au compartiment du postier pour lui donner son courrier, mais celui-ci ne répond pas, alors, elle les apporte au chauffeur pour qu’il les lui remette.
Au même moment, Valentine Chadenas, qui vit chez ses parents, à la Croix-la-Dame, à Mont, monte dans le train. Il est 4h47.
Ni Valentine, ni Clémentine, ne voient qui que ce soit descendre du train à cet arrêt. Cela étonne beaucoup Clémentine. Elle sait que son voisin, Louis Chauveau, est allé à Blois et doit revenir par ce train. Elle pense logiquement qu’il l’a raté.
Après les deux minutes d’arrêt réglementaire, le conducteur donne le signal de départ et le train repart.
Pourtant, Louis Chauveau a bien pris le train à Blois. Il est dans le même compartiment que M. Boulas et sa femme, de Dhuizon.
Lorsque le train s’arrête à la Croix-Rouge et que l’arrêt est appelé, Louis Chauveau se lève. Il attrape un gros colis, encombrant mais visiblement léger, qu’il a posé à côté de lui sur la banquette, et sort sur la plateforme arrière du tramway. Au moment où il va descendre, il se rappelle qu’il a un autre colis. Il avait déposé un autre paquet dans le filet. Il retourne sur ses pas, attrape son colis et retourne à la plateforme, au moment où le train redémarre.
Un jeune homme est là qui lui propose de lui tendre ses colis une fois qu’il serait descendu. C’est ce qui aurait dû se produire. Il avait tout à fait le temps pour cela. Mais Louis Chauveau, cinquante-cinq ans, a été blessé, lorsqu’il était soldat. Il touche même une pension de l’état. Sa jambe gauche ne plie que difficilement. En plus, il a sa pèlerine sur lui, plutôt encombrante.
Au moment où il met le pied à terre, il perd l’équilibre, tombe, et le train, ou plutôt la voiture B1, la dernière du train, lui passe sur les jambes.
Le train n’a pas fait plus de trente mètres que Clémentine voit Louis Chauveau, étendu à terre.
Elle appelle, crie qu’il faut arrêter le train. Elle n’est pas la seule à crier, les voyageurs qui ont assisté à la scène mêlent leurs voix à la sienne.
Le mécanicien entendant leurs cris stoppe immédiatement la machine. Avec le chef de train, ils regardent sur la voie et découvre le pauvre Louis Chauveau, couché en travers de la ligne.
Le pauvre homme est toujours conscient et leur donne son nom. Les employés de la ligne voient tout près Maxime Méthée, carrier à la Croix-Rouge, et l’appellent à l’aide. Arrivé sur les lieux, il reconnaît la victime, un de ses employés.
C’est lui qui va s’en occuper. Il envoie quelqu’un chercher sa voiture, reste près du blessé avec Clémentine, qui est accouru auprès du pauvre Louis.
Le train repart, il n’a que dix minutes de retard.
Louis veut rentrer chez lui, mais son patron ne l’écoute pas et l’emmène à l’hôtel-Dieu. Sa jambe gauche est brisée, quant à la droite, elle doit être amputée immédiatement.
Le lendemain, Maxime Méthée, après avoir rendu visite à Louis, rend compte de son état. Le blessé va aussi bien que possible.
Mais qu’y avait-il dans ces colis qui ont provoqué le drame ? Le plus léger contenait deux oreillers, l’autre, le funeste colis, contenait une poêle à long manche, d’1.10 m. Pas étonnant qu’il ait été si embarrassé.
Pauvre Louis Chauveau, déjà handicapé par sa jambe gauche, maintenant, c’est la seule qui lui reste.