La transmission

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Nous en parlons beaucoup de la transmission, transmission des archives, transmission des données, transmission des savoirs, transmission de la mémoire… mais le faisons-nous ?

Si je me suis intéressée au passé et à la famille, c’est parce que ma mère m’a transmis, goutte à goutte, les souvenirs de son enfance, les histoires de famille qu’elle a vécues, celles qu’on lui a racontées. C’est tout ce qui pouvait nous être transmis. Les photos sont rares, les objets encore plus, éparpillés par les cousins, détruits par les conjoints survivants qui n’en voyaient pas l’intérêt.

Une cousine se souvenait bien d’avoir vu, sur les murs de sa maison d’enfance, des menus encadrés, des images de bateaux et des objets de voyageurs. Elle n’a jamais su qu’ils venaient de notre grand-père. Lorsque sa mère a déménagé, tout à disparu. Elle n’a pas demandé à ses enfants s’ils voulaient les prendre. Ils ne savaient même pas qu’ils étaient leur patrimoine, sans valeur marchande, mais d’une valeur inestimable. Mais cela ne venait pas de sa famille, cela venait de celle de son mari. Aucun de ses souvenirs à elle n’y étaient attachés.

Combien de ces menus objets, écrits, souvenirs, disparaissent à chaque déménagement, à chaque décès, par méconnaissance de ce qu’ils sont, et par indifférence égoïste. Si cela n’a pas d’intérêt pour nous, autant le jeter. Pourquoi demander à d’autres s’ils les veulent. C’est un peu le syndrome de la gamelle du chien du voisin. Il ne veut pas ce qu’il y a dedans, mais il n’est pas question que quelqu’un d’autre l’ait.

En tant que généalogiste, nous écumons les archives à la recherche de la moindre parcelle de notre passé, de nos racines. Tout est important à nos yeux, même une simple quittance. Nous reconstituons ce que le temps nous a pris. Nous interrogeons la famille, à la recherche de la plus petite photo possible, du plus mince souvenir. Et nous en faisons…. Toutes sortes de choses. Nous remplissons des cartons et des boîtes à chaussures, des albums, des fichiers généalogiques. Nous dessinons ou faisons dessiner des arbres. Et nous nous interrogeons sur l’avenir de cette quête.

Parfois nous en parlons à la famille, parfois c’est un testament léguant aux archives ou à telle association, parfois nous imprimons des livres. Il est important que tout ce travail ne disparaisse pas avec nous.

C’est bien.

Mais à vivre dans le passé, à parler de nos ancêtres, nous en oublions le présent. Avez-vous pensé à transmettre vos propres souvenirs, vos propres anecdotes, vos propres papiers ?

Nous sommes tellement occupés à reconstituer les maillons manquants de la chaîne de nos ancêtres que nous en créons un autre, de chaînon manquant, le nôtre.

Évidemment, nous connaissons les personnes qui sont sur nos photos (qui parfois restent sur le téléphone), nous connaissons nos parcours de vie, ceux de nos frères et sœurs, nous connaissons tout de nos déménagements, mutations, changements de profession et pourquoi ils ont eu lieu. Évidemment, puisqu’il s’agit de nos vies. Mais quelle trace en laisserez-vous ? Imaginez vos descendants, dans quatre ou cinq générations. Ils trouveront dans un coin d’un vieux disque dur externe devenu obsolète, des photos du Lubéron en 2017 (cela sera bien étiqueté) mais sans nom à mettre sur les visages souriants, rougis par le soleil. Peut-être que, grâce à la reconnaissance faciale, ils pourront mettre un nom sur deux ou trois personnes. Et encore.

Et cette statuette de Bouddha si moche que vous emmenez à chaque déménagement et que vous exposez fièrement sur le manteau de la cheminée. Si vous n’expliquez pas, par écrit, que c’est grâce à cette statuette que vous avez rencontré votre conjoint, ou que le jour où vous l’avez achetée, un tremblement de terre a failli vous rayer de la carte et que la voir vous rappelle à chaque fois la chance que vous avez d’être en vie. Qui le saura ?

Nos propres souvenirs sont parfois imparfaits sur les dates, les lieux. Regardons les photos de nos chers disparus et pouvons-nous certifier savoir où chaque photo a été prise, dans quelles circonstances. Est-ce important ?

A vous de vous poser la question.

Que voulez-vous transmettre de vous et de quelle manière ?

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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