Le destin de Jeanne Marie Amicel – premiers chagrins de femme

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Le “Georges-René”

L’époux de Jeanne Marie Amicel, Jean Marie Germain Charlot est Terre-neuvas. Voir Le destin de Jeanne Marie Amicel

En mars 1906, Jean Marie Germain s’embarque pour Terre-Neuve à bord du trois mats « Georges René ».  Jeanne Marie Amicel attend leur premier enfant. Il ne le verra jamais. A-t-il seulement su qu’il allait être père ?

Le 11 septembre 1906, la jeune femme met au monde une petite fille, Lucienne Marie Joseph.

Un mois plus tard, alors que le « Georges René » quitte les bancs de Terre-Neuve pour rentrer en France, le 11 octobre 1906, une voie d’eau se déclare à bord.

Pendant huit jours et huit nuits, les marins et leur capitaine tentent de pomper l’eau, sans succès. Le neuvième jour, ils doivent évacuer le bateau à bord des doris.

Le « Georges René » sombre peu de temps après. Un malheur ne venant jamais seul, le mauvais temps éparpille les doris à bord desquelles l’équipage s’est réfugié.

Jean Marie Germain Charlot a pris place avec trois autres marins, Marie-Ange Bouillon, maître d’équipage, Auguste Bitou et le matelot Henry. Les doris sont sensées être équipées d’un baril d’eau douce et de nourriture. Dans leur frêle embarcation, le baril est bien là, mais il est vide.

Les naufragés

Alors commencent, pour les naufragés, des douleurs sans nom. Il sont torturés par la soif, transis de froid, mouillés jusqu’aux os. Le sixième jour, les marins voient une bouteille qui flotte sur la mer. Il l’attrapent et sans trop regarder ce qu’elle contient, en boivent le contenu. Par bonheur, c’est du quinquina ; mais il y en a si peu ! Vingt centilitres tout au plus pour quatre.

Les jours passent et ils ne rencontrent aucun navire. Une tempête casse leur mât et arrache leur voile. Mais c’est surtout la soif qui leur cause le plus de souffrance. Être entouré d’eau et ne pouvoir en boire. Le maître d’équipage recommande à ses hommes de ne pas boire d’eau de mer. Mais la soif est trop intense et deux d’entre eux cèdent à la tentation. Naturellement, plus ils en boivent, plus ils ont soif. Dans un accès de folie, l’un d’eux, Henry, se jette à l’eau. Le deuxième tente d’en faire autant, mais reste accroché par ses vêtements à l’un des tolets du doris, c’était Jean Marie Germain.

A chaque mouvement de l’embarcation, sa tête trempe dans l’eau. Les deux marins restant mettent trois heures pour le retirer de là, tellement ils sont épuisés. Mais s’ils réussissent à le ramener à bord, ils ne peuvent rien faire d’autre pour lui. Depuis ce moment, il reste au fond du doris 

Les naufragés restent ainsi onze jours sans boire ni manger et complètement mouillés.

Enfin, une nuit, ils aperçoivent le feu d’un navire. Bien qu’épuisés, ils trouvent assez de force pour ramer vers lui, mais leurs cris ne sont pas entendus. Alors, désespéré, ils se préparent à mourir quand ils voient le trois mats « Reine Blanche ».

Le sauvetage de la “Reine-Blanche”

Nous sommes le 23 novembre 1906, il est six heures du matin. Il fait à peine jour. L’officier de quart, le second Jean Arzul, inscrit à Paimpol,n°162, entend des cris. Alors qu’il cherche sur la mer, il aperçoit le doris, droit devant la Reine-Blanche.

La cloche d’alarme sonne à toute volée “un canot droit devant”. Il était temps. Ils réussissent à manœuvrer la “Reine Blanche” avant qu’elle ne coupe en deux le Doris. Alors que le canot frôle le navire, ils lancent une corde, mais les survivants n’ont plus la force de bouger. Un marin descend alors dans le Doris et attache les deux hommes qu’il trouve avec un bout. Ils sont remontés à bord. Ils ne parlent pas, ne bougent pas. A peine arrivés sur le pont, ils s’évanouissent d’épuisement.

Le capitaine Louis Gautier, sur son journal de bord, raconte les évènements.

Le marin descendu dans le canot touche alors une masse informe du pied, au fond. Il tâte et se rend compte que c’est un homme. C’est Jean Marie Germain, le dernier des trois naufragés. Il est remonté à bord à son tour mais ne donne pas signer de vie. Puis, au bout de quelques instant, il exhale une plainte. 

Les deux autres marins sont revenus à eux. Ils sont conduits à la cuisine. Là, les marins leur donnent des vêtements de leurs propres coffre. Les pauvres hommes sont trempés jusqu’aux os.

Dans le doris, le capitaine trouve une statue incomplète de la Vierge, dont les jambes sont manquantes. Le maître d’équipage lui assure que c’est grâce à elle s’ils sont en vie. Il lui raconte également qu’un an avant le naufrage, jour pour jour, alors que le “Georges René ” était en danger, le capitaine avait fait un vœu et qu’il ne l’avait pas tenu. C’est pour cela qu’un an après, la mer ou le bon Dieu a pris son du. Lui, Marie Ange Bouillon, tiendra ses vœux. Il ne retournera jamais à Terre-Neuve et ira faire un pèlerinage pieds nus et tête nue, à Notre Dame de Nazareth.

La mort de Jean Marie Germain

Malheureusement, Jean Marie Germain Charlot meurt dans l’après-midi du jour où ils ont été recueillis par la « Reine Blanche ». Il aura tenu quarante-trois jours, mais, épuisés, il n’ira pas au-delà. L’époux de Jeanne Marie Amicel n’a que vingt-six ans.

L’équipage du Reine-Blanche immerge son corps au nord des Açores par 44°15′ nord et 27°45′ ouest.

Itinéraire de Jean Marie Germain Terre-neuve-France

Mais quel a été le sort des autres marins du “Georges René” ?

Le morutier fécampois “Etoile-de-Mer”, a recueilli cinq marins et les a débarqué à Fécamp.

La goélette danoise Gemma a recueilli douze marins, dont le capitaine Bourdin. Elle les débarque à Gibraltar. Le cargo Tell les ramène à Marseille, le 13 novembre.

La Reine-Blanche débarque les deux survivants de ses naufragés, à La Pallice, le 2 novembre.

La nouvelle arrive alors à Pleboulle : Jeanne Marie Amicel, vingt-deux ans, se retrouve veuve, avec une petite fille qui ne connaîtra jamais son père.

PS : merci à Mengam du forum https://forum.pages14-18.com/viewtopic.php?t=46698 une preuve s’il en est besoin que ce forum ne doit pas disparaître.

Mise à jour d’un article de 2017 

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Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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