Un article dans la presse attire mon regard. Clémence Rabier, dix ans, est arrêtée pour vol. Suivant l’article, elle entrait chez Mme Duvivier, marchande de mode à Blois et le 4 avril, un porte-monnaie y disparaît. Quelques jours plus tard, on découvre que c’est Clémence qui l’a volé. Elle l’a laissé tomber dans la rue, avec son contenu, et pendant qu’une personne l’aidait à le ramasser, elle lui a volé sa bourse. Elle est arrêtée et également inculpée pour détournement de petits objets de mode, et de bijoux, au préjudice des époux Bezançon. La veuve Delaunay, prévenue, dans ce dossier, de recel de tout ou partie des objets volés, est acquittée faute de preuves. Clémence, elle, est internée dans une maison de correction, jusqu’à ses dix-huit ans. L’article se conclue par cette phrase lapidaire “Dieu veuille qu’elle y laisse ses pernicieux instincts.”
Il ne m’en faut pas plus pour vouloir en savoir plus sur Clémence. Qui est cette petite fille qui vole ainsi sans vergogne, le bien d’autrui ?
Première surprise, la veuve Delaunay est sa mère. Clémence est née le 24 avril 1855, fille de Marie Anne Rabier, trente-neuf ans, veuve d’André Delaunay, décédé le 6 juillet 1849. C’est bien précisé dans l’acte de naissance. Elle ne peut se prévaloir du défunt mari de sa mère.
Ce n’est pas le cas de ses six frères et soeurs. Le jour de leur mariage, le 27 juillet 1842, André Delaunay et Marie Anne Rabier ont légitimé Pierre, né le 24 mars 1840 et Marie Caroline, née le 20 juin 1841.
Viennent ensuite, après le mariage, Joseph Charles, le 18 janvier 1843, Marguerite, le 11 février 1845, Joséphine, le 10 février 1847 et Désirée, la dernière, fille posthume née le 14 septembre 1849, après le décès de son père.
Marie Anne se retrouve veuve à trente-trois ans, avec cinq enfants dont l’aîné a neuf ans et la dernière à naître. Elle est journalière, ce ne doit pas être simple de nourrir tout ce petit monde. Clémence est-elle la seule à voler ? Ou bien est-ce la seule à s’être fait prendre ?
Le 7 juillet 1865, la justice l’expédie en maison de correction jusqu’à ses dix-huit ans. Elle ne les atteindra pas.
Clémence décède à Tours, le 19 février 1870, à six heures du soir, 74 rue de la Riche, dans la communauté du Refuge. Elle a quatorze ans.
La communauté du Refuge, tenue par des religieuses de ND de charité du bon refuge, recueille les filles repenties et orphelines placées là par leur famille ou les autorités judiciaires, à partir de 1823. Elle sera dissoute définitivement en 1903, après un procès retentissant où trois des religieuses seront jugées pour “avoir appliqué méchamment une règle cruelle”.
Il faut espérer que Clémence n’ait pas souffert de ce genre de traitement.
C’est un bien triste destin pour une petite fille, née hors des liens du mariage et morte loin des siens.