Nos ancêtres parfaits

Jakub_Schikaneder_-_Murder_in_the_House

Nos ancêtres étaient-ils parfaits ? Non bien sur, et je ne pense pas que les généalogistes fassent de l’angélisme à ce propos. Tout simplement, nous n’avons pas de données sur le sujet.

Tout ce que nous savons sur nos ancêtres est lissé par le biais des archives qui nous parviennent.

Nous connaissons leurs âges au mariage, au décès. Nous connaissons parfois leur profession. Nous arrivons, tant bien que mal, suivant les époques, à reconstituer leurs familles, parfois leur patrimoine, et c’est tout.

Pour les ancêtres les plus récents, nous avons des photos. Peu d’entre eux sont souriants sur ces dernières.

Est-ce un indicateur de caractère ? Non, la photo était une chose sérieuse et onéreuse. La tenue des dimanches était de règle, ainsi que la coiffure nette, le regard droit devant et le sérieux du visage.

Parfois, très rarement, nous apprenons quelques frasques par la justice, ou tout simplement en calculant : un grand-prématuré né à trois semaines de grossesse qui aura une belle descendance, voire même un pré-prématuré, né avant d’être conçu (puisqu’on ne peut concevoir que pendant le mariage).

Et nous trouvons parfois, un ancêtre cumulant les enfants avec des femmes en simultanée (sans que la polygamie soit autorisée) ou une femme mettant au monde des enfants au nom de son mari pourtant disparu depuis des années (mais jamais officiellement déclaré mort).

Cela nous fait plutôt sourire.

Mais il est une réalité que nous ne pouvons balayer d’un revers de main. Si nous acceptons le fait de descendre de Charlemagne, du moins statistiquement, nous ne pouvons pas rejeter d’autres statistiques.

Aujourd’hui, une femme sur trois subit ou subira des violences physiques ou sexuelles, dont une femme sur dix en mourra. En France, 1.2% de femmes (parfois des hommes) subissent des violences physiques de la part de leur conjoint.

A l’heure où j’écris cet article, 149 meurtres par conjoint ont été enregistrés en 2018, et 120 au 10 octobre de cette année.

Alors, peut-on imaginer que nos ancêtres ont échappé à ces terribles statistiques ?

La lecture des jugements sur requête du XIXe siècle nous montre malheureusement que non.

N’oubliez pas que les femmes étaient totalement dépendantes des hommes, en ces temps-là. L’homme était le maître dans sa demeure et avait tous les droits sur sa femme, ses enfants, ses animaux. Il traitait mieux ce qui lui permettait de vivre. La femme n’arrivait pas forcément en tête de liste.

Mais ces drames étaient tabous. Ils relevaient du secret des familles. L’éducation des enfants étaient largement plus sévère qu’aujourd’hui. Nombre de nos ancêtres ont tâté des coups de ceinturon, et autres raclées, par le pater familias.

Mais ils y avaient également droit à l’école, par le maître des savoirs, l’instituteur.

Punir physiquement était la règle. Après tout, une bonne fessée n’a jamais tué personne …. peut-être. Mais nous savons que les sévices corporels, liés à l’abus d’alcool, récurant à toutes les époques, liés au mauvais caractère d’une personne, à sa violence naturelle ou exacerbée, peuvent tuer, tuent même : à petit feu, tout doucement, ou brutalement, pour la correction de trop.

Pourtant, à l’époque, nul n’aurait dit d’un enfant recevant des raclées régulières de son père, qu’il était un enfant battu. De même que sa mère. Ils l’avaient forcément mérité. Personne ne contestait l’autorité du chef de famille.

A moins que cela n’aille trop loin. Il fallait que la vie de la femme soit en danger, avec témoignages à l’appui, traces de coup voir traces sanguinolentes, pour que la justice accepte la séparation, au XIXe, quand le divorce n’existait pas. Et même s’il était justifié, le divorce était infamant pour les femmes.

Beaucoup serraient les dents, ne disaient rien. Tout le monde savait. Et si un matin, la pauvre femme se suicidait pour échapper à son tortionnaire, le rapport de gendarmerie qualifiait son esprit de dérangé, pour expliquer un tel acte.

Alors, êtes-vous prêts à accepter l’idée qu’une femme sur trois de vos sosas ait pu subir des violences de la part de son conjoint ?

De mémoire familiale, je sais que ma sosa 14, Emelie Alice Robillard, a quitté son mari, avec ses trois enfants, pour fuir la violence de ce dernier. C’était en 1909. Ses enfants avaient douze, onze et sept ans. Le divorce ne sera prononcé que neuf ans plus tard.

Et les autres ? Et parmi elles, laquelle est morte sous les coups de son mari ? Ou lesquelles ?

C’est une idée dérangeante, très dérangeante.

Leur parole ne nous est pas parvenue et leur calvaire a été enterré avec elles et oublié des archives, si tant est qu’il y ait jamais eu une trace de leur souffrance, dans des archives.

Nos ancêtres n’étaient pas parfaits. Ce n’était pas non plus des monstres. Ils étaient humains, des humains de leur temps.

Aujourd’hui est un autre temps. La connaissance, la communication, l’évolution, le progrès font qu’il serait logique de penser que tout cela est derrière nous.

Malheureusement, les chiffres nous montrent que ce n’est pas le cas.

Nous ne sommes pas parfaits ……….. nos ancêtres non plus.

La différence est, qu’aujourd’hui, les lois sont là pour nous protéger, pour protéger les femmes d’un conjoint violent.

Il aura fallu quelques siècles pour que ces lois existent. Reste à changer les mentalités. J’espère qu’il ne faudra pas quelques siècles de plus pour cela.

En attendant, il y a le 3919.

 

 

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

Articles: 1379

2 commentaires

  1. Il y avait les violences faites aux épouses mais aussi celles faites aux filles , celles faites aux servantes avec un harcèlement qui ne s’appelait encore ainsi.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *