L’indépendant de Loir-et-Cher
Pour le thème du mois de décembre, des ateliers blog, un article de presse, j’ai choisi, l’ordre de mobilisation générale du 2 août 1914. Ce n’est pas vraiment un article, mais plutôt la première page, la Une du journal.
En 1914, le meilleur moyen de diffuser l’information, c’est la presse. Dans le Loir-et-Cher, l’un des journaux qui paraît régulièrement est l’Indépendant de Loir-et-Cher. Si l’ordre de mobilisation générale est affiché sur les murs des mairies, il est également relayé par la presse. D’ailleurs, les titres n’affichent pas “la guerre est déclarée” mais “l’ordre de mobilisation”.

L’indépendant de Loir-et-Cher est un journal “organe de la démocratie républicaine” qui parait à Blois, trois fois par semaine, les Dimanche, Mercredi et Vendredi.
Son siège et son imprimerie sont situés au 13 de la rue Denis-Papin. L’abonnement au journal coûte 15 centimes.
Cela fait 46e ans que ce journal existe et Léon Reffray, le rédacteur en chef, le dirige.
Le journal titre sur trois colonnes, en première page. La colonne de gauche “Haut les coeurs !” est un rappel de la défaite de 1870 et de la revanche à prendre sur l’ennemi, l’Allemagne. Elle est également un éloge à une armée nombreuse et bien préparée pour cette guerre. Elle se termine par “La France compte sur vous” L. Reffray. Cette colonne est donc patriotique. Elle encourage les hommes à aller se battre pour l’honneur de la France.
L’ordre de marche des nations
La colonne de droite, titre “L’Allemagne veut la guerre” et donne les dernières nouvelles de l’étranger.
En premier, la presse italienne “Giornale d’Italia” titre sur l’ultimatum allemand donné à la France et à la Russie.
Ensuite viennent les négociations pour éviter la guerre, entre l’Angleterre, la Russie, l’Autriche et l’Allemagne. Elles ne prennent que quelques lignes avant l’article sur l’armement de l’Angleterre.
Cette dernière arme sa marine, protège ses ports et convoque les réservistes de la défense navale. Le Canada, pour sa part, offre 20 000 hommes en cas de guerre, qui peuvent arriver en Angleterre en moins de quinze jours. Le Portugal, par le biais des traités, doit fournir également 10 000 hommes.
Autres mouvements internationaux, le Japon est prêt à faire son devoir d’allié de l’Angleterre, tandis qu’en Russie, la mobilisation est générale.
Premiers mouvements de guerre
L’article suivant commente l’invasion de Belgrade par l’Autriche. Les serbes l’ont abandonnée dès le premier jour et les troupes autrichiennes n’ont eu qu’à franchir le Danube et occuper la ville. D’ailleurs, les habitants ont abandonné cette dernière et il n’y reste que le bourgmestre et une trentaine de personnes.
L’Allemagne protège déjà ses chemins de fer et ses frontières. Les places fortes sont armées et plusieurs corps d’armée sont postés à l’Est de Metz et de Thionville. C’est un rappel de ce que la France a perdu lors de la dernière guerre. Les patrouilles longent la frontière. Les routes sont interdites et des mitrailleuses occupent les voies ferrées. En conséquence, trois locomotives françaises n’ont pas pu rejoindre la France.
L’article continue, faisant l’inventaire des futurs belligérants. La mobilisation est générale en Autriche. Elle rappelle ainsi sous les armes, les hommes de la réserve et de la territoriale.
De son côté, l’Italie a rappelé trois cuirassés, l’Etna, l’Americo-Vespucci et le Flavio-Giona. Ils ont reçu l’ordre de faire route, rapidement, vers Cadix. Un corps de volontaires italiens se forme également à Paris.
Les pays neutres
Même les pays neutres se mobilisent car ils doivent protéger leur neutralité. La Hollande, par le biais de sa reine Wilhelmine, a signé le décret de mobilisation générale le vendredi. Le même soir, c’est la Belgique qui mobilise ses classes de 1902 à 1913. La Suisse n’est pas en reste avec l’émission de billets de 20 fr.
La colonne centrale
Enfin, sur cette Une de l’Indépendant de Loir-et-Cher, la colonne centrale attire immanquablement l’œil. Elle donne l’Ordre de Mobilisation Générale. Messimy, le ministre de la guerre et Gauthier, le ministre de la marine, en sont les signataires. Ces quelques lignes semblent dénuées de toute l’émotion revancharde de la colonne de gauche, et de la fébrilité de la colonne de droite.

Pourtant, ces quelques mots vont plonger des milliers, des centaines de milliers de famille, dans le désespoir.
Par décret du Président de la République, la mobilisation des armées de terre et de mer est ordonnée, ainsi que les réquisitions des animaux, voitures et harnais nécessaires au complément de ces armes.
Le premier jour de mobilisation est le 2 août.
Tout Français soumis aux obligations militaires doit, sous peine d’être puni avec toute la rigueur des lois, obéir aux prescriptions du fascicule de mobilisation (pages coloriées placées dans son livret).
Sont visés par le présent ordre tous les hommes non présents sous les drapeaux et appartenant :
1° A l’armée de terre, y compris les troupes coloniales et les hommes des services auxiliaires,
2° A l’armée de mer, y compris les inscrits maritimes et armuriers de la marine.
Les autorités civiles et militaires sont responsables de l’exécution du présent décret.
A la suite de ce décret solennel, trois décrets concernent les farines et les blés, car en temps de guerre, il faut penser aux ressources alimentaires. Il faut sécuriser l’aliment principal des français, le pain.
La fin de la colonne centrale concerne les hommes de plus de 45 ans. Le journal rappelle que la loi de 1905 qui mettait les hommes sous obligation militaires pendant vingt-cinq ans, a été prolongée le 7 août 1913 à vingt-huit ans. La mobilisation générale concerne donc également les hommes de 45 à 48 ans, sauf si leur libération définitive a eu lieu avant le 7 août 1913. C’est la mauvaise, ou plutôt, après l’annonce de la guerre, la seconde mauvaise nouvelle pour les familles.
Quels sujets restent ils à aborder ? La santé et l’argent.
C’est chose faite avec l’article, toujours au centre de la une, qui indique que la croix rouge a dix mille infirmières et aides infirmières prêtes à rejoindre leur poste. Les infirmières et les aides soignantes qui ont fait leurs apprentissage de la guerre au Maroc, depuis six ans, vont les encadrer. Les famille peuvent être rassurées, leurs proches seront entre de bonnes mains.
Pour l’argent, le gouvernement active également une clause du livret de caisse d’épargne. Il s’agit de la clause de sauvegarde. Les déposants ne pourront désormais retirer leur argent que dans la limite de 50 francs par quinzaine. Il ne faut pas que les épargnants craintifs retirent leur argent de la caisse d’épargne. L’état va en avoir besoin pour la guerre.
Il faudra que le lecteur tourne la page du journal pour apprendre l’assassinat de Jaurès.