C’est la règle dans nos recherches. Quoi que nous trouvions, nous n’avons pas le droit, je m’interdis le droit, de juger car il faut avoir
vécu la même chose à la même époque pour avoir ce droit. Sans compter les erreurs d’interprétation au vu du nombre de documents qui ne nous sont par parvenus.
Maintenant, doit-on tout révéler ? Même si nous ne sommes pas responsables des erreurs de nos pères et aïeux (de tous sexes bien sûr), cela peut heurter d’apprendre certains faits sur nos ancêtres.
Nous aimerions pouvoir admirer tous les membres de la famille perchés sur nos arbres, mais ils étaient avant tout des êtres humains donc faillibles. Comme nous le sommes. Et certains plus que d’autres.
Lorsque nous faisons nos recherches, nous sommes libres de les arrêter lorsque nos sentiments sont “contrariés”. Et même si nous allons plus loin, cela reste dans notre sphère privée.
Par contre, lorsque nous dépouillons des archives pour dresser des bases de données, nous ne sommes plus personnellement concernés. Logiquement, nous analysons les renseignements et les communiquons à ceux que cela intéresse.
Je viens d’être confrontée à deux cas qui m’ont obligé à me poser des questions sur les limites de ce que l’on peut ou de ce que l’on doit communiquer en live et ce que nous devons garder “secret”.
Le premier concerne une affaire de pédophilie. Du moins, c’est comme cela que cette affaire serait qualifiée aujourd’hui. A l’époque, il s’est agi d’attentat à la pudeur en lieu public et la victime, moins de douze ans, n’était pas considérée justement comme une victime mais comme un témoin. En fait, la peine de un an de prison infligée l’a été parce que les faits se sont produit dans un lieu où tout le monde aurait pu le voir !!! Le procès en correctionnel donne malgré tout des détails plutôt scabreux et explicites.
Alors, je dois mettre quoi dans mon analyse accessible à tous ? tous les détails comme je le fais pour les autres types d’actes ? ou la simple mention du verdict et de la peine, laissant à ceux qui sont concerné par cet ancêtre le soin de faire la recherche complémentaire ?
Le second est d’ordre médical. Nous sommes tous à l’affut des causes de décès de nos ancêtres et lorsqu’il s’agit de militaires tombés au combat, nous sommes toujours “heureux” d’avoir des détails. Mais qu’elle est la limite ?
S’il est intéressant de savoir que son ancêtre a été blessé par éclat d’obus lors du siège de Sébastopol, est-il pertinent de détailler l’état de ses testicules sur dix lignes tel que je l’ai trouvé dans un document ?
Et oui, nous trouvons de drôles de choses dans les archives, dont beaucoup prêtent à sourire mais là, il ne s’agit plus de “uniquement pour vos yeux”, il s’agit de diffuser l’information.
Perso, j’ai fait mon choix……………. Mais la question est posée : peut-on tout dire ?
Les questions sont bien posées et cela va bien plus loin qu’une affaire de conscience. Il y a une raison à cela, mon rapport philosophique à la “vérité”. Je considère que nous devons nous adapter aux faits et non pas les plier, les dissimuler ou les taire pour que les instigateurs puissent devenir acceptables. pour soit disant protéger des familles. Des pédophiles, que l’on le veuille ou non, nous en avons tous dans notre arbre et peut-être même plus proches que l’on le pense. Nous voyons bien que les jugements d’époque n’y apportent pas le même angle d’accusation. Je connais un bon nombre de curés qui se trouvent être élogieusement représentés sur différents supports (livres, pages web) qui étaient des pédophiles notoires et dont la chape de plomb de la lâcheté ordinaire suffisait à les rendre intouchables. Il est normal, qu’une partie des victimes deviennent des bourreaux.., une constante macabre! Un phénomène à l’époque moins fliqué, donc bien plus courant qu’actuellement. Sans compter les frustrations et les misères sexuelles inimaginables, pour nous qui n’avons plus les mêmes contraintes., il nous est difficile de nous projeter en arrière. Idem pour les assassinats où tout le village se doutait du coupable.., c’est un truc qui tend à disparaître. Autre époque, autres mœurs. La force communautaire y avait un poids différent; une emprise différente. Dix lignes sur les testicules, cela me parait assez original pour mériter d’être partagé. Les fractures au tibia ne posent pas de problèmes, alors que les parties intimes sont diabolisées. Le rédacteur y a mit ce qu’il pensait important à relater.., saleté de guerre. J’ai trouvé bien pire sur la guerre d’Algérie et là, on se rend compte qu’il ne faut jamais oublier. Pourquoi les atrocités nazi pourraient être cités et pas celles de vulgaires quidams? Quoi qu’il en soit, ce sont des informations difficiles à gérer et je comprends que l’on puisse se sentir mal à l’aise. C’est une question qui restera toujours ouverte et dont les réponses conditionnent notre rapport à l’histoire. Le gain retiré d’une information négative ou troublante, n’est pas quantifiable. Il varie suivant nos capacités d’abstraction, mais il existe bel et bien.., parfois c’est même véritablement un trésor!
J’avais résolut le problème en anonymisant les noms pour ne pas heurter cette partie de la famille dont l’ancêtre a été condamné pour vol. Surtout que les faits avaient moins d’un siècle.
Bonjour Article intéressant où tous les généalogistes se retrouvent… Je me suis retrouvé dans ce cas avec mon arrière-grand-père qui a un casier judiciaire ou un lointain cousin qui ne sait même pas que sa propre mère a été adoptée…comment lui dire?! Je suis partagé sur la transmission d’infos car tout dépend du lecteur, de son âge et de sa faculté d’appréhension. Si nous ne révélons pas , alors qui le fera? Les lecteurs ne peuvent demander quelque chose dont ils ne se doutent pas… Vaste sujet!
C’est une très bonne question! Personnellement j’aime tout savoir! Je pars du principe que personne n’est parfait et que les condamnations font parties intégrantes du personnage et ce qui rendent le personnage intéressant. Quant à la diffusion sur mon blog je la fais avec parcimonie car je sais que toute vérité n’est pas forcément acceptée et peu heurter certains. Entre dire ou ne pas je coupe donc la poire en 2 : ne pas tout dire et laisser la personne décider si elle veut en savoir plus
J’ai eté confronté au probleme en dépouillant les registres matricules de grands oncles dans lesquels figurent des condamnations a la prison ferme (1 a 3 ans) pour trafic et marché noir au sortir de la guerre 14-18. J’en ai parlé a la famille qui ignoraient ces faits mais je ne les ai pas saisi dans mon logiciel afin qu’ils ne se retrouvent pas sur le net. Thierry
Je dirais, pour parodier Pierre Desproges : “On peut tout raconter, mais pas à n’importe qui.”
Je pense pour ma part qu’il faut donner l’état de toutes nos trouvailles, à condition de ne surtout se permettre aucun jugement, et dans les limites des recommandations de la CNIL pour ce qui est publié en ligne. D’autre part, selon les supports internet, il y a parfois des façons de masquer les informations et de permettre à qui le souhaite de les démasquer (type cases “antispoil”), ou bien on peut faire un lien vers les informations les plus détaillées ou l’image concernée, sur lequel chacun choisit ou non de cliquer. Ça peut être un moyen de laisser chaque lecteur décider. L’adoption est un sujet sensible, mais je pense qu’il faut au moins proposer à la personne concernée de savoir. Type “j’ai appris quelque chose de sensible sur ta maman, est-ce que tu as envie d’en savoir plus ? te doutes-tu de quelque chose ? je suis disponible pour en parler quand tu en éprouveras le besoin”. C’est difficile de se dire qu’on en sait plus que la personne la plus concernée et de garder ça pour soi, ça me semble anormal en fait. C’est un peu comme un travail d’archiviste je trouve, on ne va pas décider que tel ou tel document qu’on a dans les archives ne mérite pas d’être archivé, on classe tout comme il faut et chacun y cherche ensuite ce qui lui convient.
Lors de l’écriture des textes de mon site d’histoire locale charentais “Mille ans à Bouhet”, je me pose régulièrement la question des limites de ce que l’on peut raconter sans risquer de heurter d’éventuels descendants. En fait cela dépend des types de faits et je ne les traite pas de la même façon : – pour les vols et crimes récents : soit je mets des initiales bidon aux protagonistes, soit je raconte l’histoire sans citer le nom des intéressés ni mettre aucun détail précis comme date et lieu de naissance qui permettrait de retrouver facilement de qui il s’agit quand je sais que leurs descendants ne souhaitent pas qu’on puisse les relier à l’affaire. – pour les cas sociaux du genre “famille de filles-mères sur plusieurs générations”, je n’en parle que si je suis sûre qu’ils n’ont aucun descendant encore vivant susceptible de râler. Et encore je contourne l’intitulé en parlant d’une curieuse famille matrilinéaire, ce qui permet de ne pas juger d’emblée dans le titre les moeurs sûrement assez libres des personnes concernées. – pour les détails médicaux intimes trouvés dans les fiches matricules : je passe sous silence les malformations génitales, les détails sur les problèmes d’hémorroïdes et autres trucs vraiment très personnels et peu ragoûtants. Et si ces problèmes intimes ont entraîné la réforme du combattant, je me contente d’écrire qu’il a été réformé suite à une malformation, par exemple. Après j’indique les cotes des documents donc si les descendants veulent en savoir plus, ils peuvent toujours aller voir sur le site d’AD concerné.
Bonjour, Les deux premiers paragraphes de votre article résument bien l’esprit déontologique que se doit d’avoir un “bon” généalogiste. A partir de là, et si les documents sont accessibles en libre accès sur le net ou dans les archives, pourquoi ne pas les ajouter aux dossiers de nos ancêtres ou sur son logiciel de généalogie. En revanche, si je juge que des documents sont trop personnels sur des personnes qui m’ont été proches, je les enregistre sur mon logiciel en “sources privées” et je ne les mets pas en ligne. Quand à un article sur l’état des testicules d’un ancêtre, si l’on veut rédiger, il y a moyen de relater l’évènement plus “discrètement” mais sans se voiler et d’ajouter la copie du document en tant que source pour qui aura envie de satisfaire sa curiosité sans pour cela faire du voyeurisme. Après, je crois que chacun réagit et agit en fonction de son éducation, de sa croyance, de ses préjugés etc… C’est juste mon avis. Christine de Archives Publiques Libres.
bonjour, je pense que de telles informations doivent être communiquées aux familles concernées. Cela peut , pour beaucoup, éclaircir et aider à comprendre des faits actuels, des souffrances qui se sont transmises de génération en génération et qui atteignent des descendants de ces personnes sans que ceux ci ne comprennent l origine de leurs maux. Voir le livre “aïe mes aïeux ” d Anne Ancelin Schützenberger. Par contre, cela doit rester dans la sphère privée et ne pas être mis en pâture sur internet. A mon avis…
Bonsoir à tous. Après une bonne trentaine d’années d’exercice, je crois avoir suffisamment de bouteille pour émettre un avis; je suis partisan de la communication absolue; en fait qui sommes nous pour jouer les censeurs : ce qui nous paraît devoir être blessant ou traumatisant ne l’est pas forcément pour notre commanditaire, (je pourrais vous en raconter de biens bonnes, mais ce n’est pas ici le lieu). J’ai fait hélas la douloureuse expérience à mes débuts d’un client pour lequel ce genre de sentiment m’a fait rompre le contrat; il s’est adressé ailleurs auprès d’une personne nettement moins scrupuleuse et le client s’est jeté par la fenêtre. Je me suis posé la question des années : avais-je bien fait ? En ce cas, ma conscience pouvait être tranquille ;je n’étais pour rien dans la fin qu’il a choisie. Mais les années passant j’en suis venu à penser exactement l’inverse : j’aurais du lui dire toute la vérité, lui dire avec tact et diplomatie voire requérir l’aide d’un spécialiste pour l’aider à digérer tout ça. La morale de cette malheureuse affaire : nos commanditaires sont censés être des adultes responsables, ils doivent être capables de comprendre ce que l’on a à leur annoncer; alors tout leur dire, oui, mais avec tact et dans les formes