Portefeuille oublié

Pour les besoins de mes cours, j’écume les ventes aux enchères en ligne de documents anciens et l’on y trouve toutes sortes de choses. L’une d’elle m’a tentée…………………. un portefeuille d’homme en cuir avec tout son contenu !!!

Imaginez que vous faites un bon en arrière de plus de 60 ans. Vous êtes dans la rue et vous ramassez un portefeuille tombé là, sur le trottoir avec tout son contenu de papiers d’identité, de papiers officiels, de photos personnelles aussi.

Qui n’a pas farfouillé dans le portefeuille de son père ou de son grand-père et s’est amusé et ému d’y trouver de vieilles lettres usées au pli, pliées en quatre, glissées avec une photo et des papiers d’identité usés et parfois en lambeau ?

Sauf que là, il s’agit plutôt d’un portefeuille laissé à l’hospice après le décès de son propriétaire, abandonné dans un grenier et vendu à un brocanteur avec tout un tas de vieux trucs sans valeur aux yeux de celui qui les a vendu.

Des vieux trucs sans valeur qui constituent probablement la seule chose que cet homme a laissé derrière lui, la trace de son existence.

Alors rendons sa trace ineffaçable puisqu’il parait que ce qui est sur le net n’en disparaît jamais vraiment.

Un livret militaire de 1906 indiquant que Julien vit à Rosendael, ouvrier jardinier, fils de Charles Louis Auguste Deroubaix et Elodie Léonie Mahieu, de Rosendaël. Il a combattu contre l’Allemagne du 4 août 1914 au 1er avril 1919. Il a vécu à Loos en Gohelle en 1922, à Lievin en 1929, à Douvrun en 1931, à Rosendaël en 1932.

Un certificat de travail de la société des Ateliers et Chantiers de France du 5 juillet 1920 au 1er mai 1921 comme perceur. Un autre de la Société Anonyme des Etablissements Métallurgique d’Onneing daté du 6 juin 1930 où il était ouvrier monteur. Un autre de la société de construction métallique Venot, Peslin et Cie à Onnaing pour 1928 et 1929

Des récipissés de cotisation à l’assurance maladie pour 1932, 1935.

Une carte d’ancien combattant de 1937

Une carte d’identité de 1942 délivrée à la mairie d’Aubers, dans le Nord, pour Julien Deroubaix, né le 24 juin 1886 à Hondschoote. On y voit un homme cheveux châtains, moustache d’époque (une bonne grosse moustache de campagne), un nez gros légèrement busqué, un visage rond, des yeux qui louchent à droite et un teint coloré, des empreintes digitales à l’encre violette et sa signature, un peu hésitante mais à l’écriture bien déliée.

Une attestation de travail par Fernand Desbonnets, agriculteur à Lorgies dans le Pas de Calais, qui atteste que Julien a travaillé pour lui du 1 août 1942 au 1er janvier 1943, comme ouvrier agricole.

Un rappel de cotisation de la caisse mutuelle d’assurances sociales agricoles pour l’année 1949 et le 2e trimestre 1950.

Des photos de lui plus jeune, portrait de studio en noir et blanc avec un foulard blanc noué autour du cou, un beau gars ma foi !! plusieurs hommes dans un champ, une petit groupe devant une porte, sans nom derrière pour les identifier.

Un carnet à souche pour la retraite du combattant.

Une demande d’aide auprès de la caisse mutuelle d’assurances sociales agricoles pour prendre en charge son admission à l’hôpital d’Armentières en avril 1952. Un bulletin d’hospitalisation à l’hôpital civil d’Armentières du 5 avril au 21 avril 1952.

Un dossier à remplir pour bénéficier d’une allocation aux vieux travailleurs salariés qui restera sans suite car il décède le 17 décembre 1952 à l’hospice de la Bassée.

Et une lettre de sa cousine madame Slove à Douvrend en Seine Inférieure, fille de Mr et Mme Cattoir Deroubaix où elle remercie le maire de la Bassée pour l’avoir informée du décès de son cousin et où elle demande plus de renseignements sur la fin de sa vie.

Il est bien indiqué que la réponse a été envoyée le 10 janvier 1953 mais elle n’est pas dans le portefeuille. Dommage. Et émouvant aussi, ce témoignage d’une vie de labeur et d’errance.

Son feuillet matricule est malheureusement manquant pour pouvoir reconstituer “sa” guerre.

Un petit tour sur son acte de naissance indique qu’il est d’abord né enfant naturel et aucune mention marginale n’indique ni reconnaissance, ni légitimation, ni mariage, ni décès……….. rien.

Et bien maintenant, il y a ceci comme preuve qu’il a existé, combattu, vécu.

 

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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