Valentin Chanu a quinze ans. Il ne vit pas chez ses parents, mais chez son patron, à Romorantin. Il y est employé de magasin. Ses parents vivent à Neung-sur-Beuvron, à une vingtaine de kilomètre. Son père est cordonnier.
Le 25 décembre 1875, Valentin a fait la route à pied, pour passer la fête de Noël avec ses parents. Mais il a promis à son patron d’être au magasin à sept heures du matin, le 26. Alors, à cinq heures du matin, il se met en route en compagnie de son frère, Edouard, dix-sept ans. Son frère l’accompagne jusqu’à la sortie de Millançay, au bas de la côte où sont de grands peupliers. Valentin continue la route seul et son frère rentre chez les parents.
Nous sommes le 26 décembre, il fait nuit et probablement froid. Alors qu’il approche de l’endroit appelé le Lieu, au-dessus du mur qui longe la route, il est attrapé par derrière par l’épaule droite, et reçoit plusieurs coups de couteau à l’aine droite.
Au premier coup de couteau, il se retourne et voit son agresseur, mais il s’évanouit après le troisième ou quatrième coup. Lorsqu’il reprend connaissance, le jour commence à se lever. Il est en sang, ses blessures saignent encore. Il se relève malgré tout et s’aperçoit que ses poches ont été retournées. La pièce de un franc en argent et celle de cinquante centimes qui se trouvaient dans son gilet, ont disparu, de même que la menue monnaie, de même que le petit paquet qu’il portait, enveloppé dans un gros sac de papier jaune, contenant plusieurs oranges, un morceau de pain d’épice, une savonnette blanche et un crochet pour boucler les bottines, probablement ses cadeaux de Noël.
Malgré ses blessures, il réussit à atteindre Millançay, vers midi, où il se rend à la mairie pour déclarer son agression. Profitant d’une occasion, il retourne chez son père en voiture. Il n’a toujours pas été soigné !!!
Vers six heures du soir, Valentin se rend à la caserne de gendarmerie de Neung-sur-Beuvron, pour faire sa déposition. Il décrit son agresseur comme coiffé d’une casquette noire lui couvrant les yeux, vêtu d’une blouse bleue avec un long paletot en gros drap noir par-dessus un pantalon qui lui a paru gris et chaussé de souliers.
Les gendarmes examinent ses blessures et comptent huit coups de couteau portés à l’aine droite, tous dans la même direction. Sept de ses blessures sont sans gravité, mais la huitième est profonde de deux bons centimètres et large d’un centimètre et demi. Elle est plus sérieuse.
Les gendarmes saisissent les vêtements de Valentin, comme preuve : un pardessus de drap noir, un paletot, un gilet de même étoffe, deux chemises en toile, tous percés des huit coups de couteau. L’épaisseur de ses vêtements lui a probablement sauvé la vie.
Le gendarme Depèze des brigades de Romorantin les a rejoint et envoie les vêtements au greffe du tribunal à Romorantin, comme preuve.
A ce moment-là, et seulement à ce moment-là, les gendarmes se rendent chez le docteur Alliot, à Neung, pour qu’il puisse constater et soigner le blessé. Mais, ce sont les fêtes de Noël, il est absent. Le père de Valentin doit alors l’emmener à Romorantin pour qu’il soit soigné, plus de douze heures après avoir été poignardé !!!
Huit coups de couteau pour un franc en argent, quelques oranges et du pain d’épice !!!
Valentin survivra à ses blessures, mais ne vivra pas bien vieux pour autant. Il décède chez son père, le 5 novembre 1885, à l’âge de vingt-cinq ans.