Quand la justice se prend la tête avec l’assistance publique

criminal-justice-system-e1445239916679

Nous les imaginons biens sereins et droits comme les codes qu’ils doivent respecter et utiliser, nos haut fonctionnaires. Mais il arrive pourtant que ces sages personnages de l’administration, se prennent la tête entre services. Aujourd’hui, cela se réglerait à coup de tweet, hier, c’était par courriers interposés.

Mais quel débat a pu enflammer les relations entre le procureur de la République du tribunal de première instance de Blois, garant de la justice, et l’inspecteur départemental de l’assistance publique de la même commune ?

Une simple mention marginale.

C’est une simple mention marginale qui a mis le feu aux poudres, une mention de marginale de mariage à apposer en marge de l’acte de naissance d’une toute jeune mariée.

Si le début du courrier que le procureur adresse à l’inspecteur départemental est tout à fait conforme à une simple demande suivant la loi, la fin est plutôt du genre “chiffon rouge” agité devant le nez du taureau.

Le 5 avril 1916, Monsieur le procureur demande à l’inspecteur de l’assistance publique, l’état civil exact d’une jeune mariée, afin, suivant la loi de 1897 pouvoir écrire la mention de son mariage en marge de son acte de naissance. Là, c’est soft.

La suite l’est moins puisqu’il ajoute “qu’il est décidé à interdire désormais de la façon la plus formelle, aux officiers de l’état civil, de procéder à la célébration du mariage des pupilles de VOTRE administration auxquels vous n’avez délivré en vue de ce mariage, qu’un certificat d’origine qui n’indiquerait pas les lieux et date de leur naissance.”

C’est clair, la guerre est déclarée entre “la justice” et l”assistance publique”.

La réplique ne se fait pas attendre plus de quelques jours, puisque le 12 avril 1916, l’inspecteur répond au procureur, texte de loi à l’appui. Il lui rappelle l’article 36 de la loi du 27 juin 1904 qui prévoit que la délivrance de ce certificat d’origine, tenant lieu d’actes de naissances “dans tous les cas où la loi et les règlements l’exigent”, a pour objet de garder secrète l’origine de l’enfant. Et voilà, si le procureur est garant de la loi, et l’inspecteur est garant de la protection des enfants à sa charge. Et ce dernier se fait un plaisir de faire un rappel à la loi au garant de la loi.

Le fait est que, l’acte de naissance de la jeune fille concernée indiquait clairement qu’elle était née………… en prison. Sachant cela, la crainte de l’inspecteur est que le futur mari aurait cherché à savoir pourquoi et aurait pu utiliser cela pour rompre ses promesses de mariage. Le secret est nécessaire.

Mais l’inspecteur ne veut pas la guerre, alors il informe le procureur, qu’une fois le mariage fait, il donnera au tribunal, tous les renseignements nécessaires pour que la loi de 1897 soit respectée, tout en respectant celle du 27 juin 1904. En effet, à cet époque, seuls des personnes, tenues au secret professionnel, pouvaient consulter ces documents.

Il ne veut pas la guerre, mais s’il le faut, il la fera :”si vous persistiez dans une manière de voir différente, je vous serais obligé, pour aplanir toutes difficultés à venir, de saisir la chancellerie de la question aux fins d’une entente avec le ministère de l’intérieur.”

En clair, si vous me cassez les pieds, je vous renverrai face à votre supérieur, le ministre. Mais c’est plus joli et diplomatiquement dit.

L’inspecteur est là pour protéger les enfants à sa charge, et ce n’est pas un petit Procureur qui l’en empêchera. Pour cela, il faudra en passer par le ministre, non mais !!!!

 

 

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

Articles: 1379

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *