J’y suis !! le challenge d’octobre arrive enfin et je vais rebondir sur celui d’Antequam en lui “piquant” un de ses personnages.
Le 13 mars 1888, en fin de journée, quatre gardes particuliers du château de la Gaudinière rentrent d’une battue. Ils sont dans la forêt de Fréteval lorsqu’ils entendent un coup de feu.
Un des protagonistes du meurtre de la Gaudinière éveille une certaine tendresse chez moi, Jean Pierre Chevet, le braconnier, dit “quatabit” ou “quatre habits” suivant les documents de justice qui le citent.
Jean Pierre est né le 29 août 1849 à Pezou (Loir-et-Cher), fils de Jean Pierre Chevet et Marie Louise Hurson. Il épouse une fille de l’assistance publique de Paris, Adelphine Edchasse et se forge une solide réputation de braconnier. Il n’hésite pas à faire le coup de poing contre les gardes forestiers lorsqu’il est pris sur le fait. Au moment du drame, Jean Pierre et sa femme ont six enfants : Léa Alphonsine, seize ans, Léon Alexandre, quinze ans, Léontine Estelle, onze ans, Marthe Aurélie, dix ans, Albert Hyppolite, sept ans, Adrien Jules, deux ans. Ils vivent à Mallessort de Pezou.
Lorsque le brigadier Gourdain, de la gendarmerie de la Ville-aux-Clercs, l’emmène à la maison d’arrêt de Vendôme, le 13 mars 1888, prévenu de meurtre et tentative de meurtre, il est vêtu d’une chemise de coton bleu-gris, une bonne blouse de toile bleue, une veste de drap gris marron, un pantalon de velours marron, un bon gilet de drap noir, un caleçon de coton gris, une paire de chaussette, une paire de chaussons noirs en feutre, une paire de galoche, une casquette de drap marron à rabat, une cravate en coton de couleur et un mouchoir de poche en coton.
Sur le registre de la prison, il est indiqué vigneron à Pezou (braco, ce n’est pas un métier), il a trente-huit ans, mesure 1.64 m, a les cheveux châtains foncés, les yeux noirs foncés et le teint coloré. Il a une marque de brûlure au côté gauche du village qui part du dessous du menton jusqu’au dessus du sourcil et une tache marron dentelée de trois à quatre centimètre sous l’épaule gauche. Il est catholique, illettré et a six enfants. Il a déjà un arrêt de la cour d’appel d’Orléans, qui le condamne à trois mois de prison et seize francs d’amende pour violence et voix de fait sur un garde particulier. Sa peine commence au 30 mars et doit s’achever au 10 mai 1888. Il est libéré le 10 mai 1888. Et il se présente tout seul, à la maison de correction, le 5 novembre 1888 pour y subir une peine de deux mois de prison pour violence sur un garde particulier (encore) qui lui a été infligée par le tribunal de Vendôme, le 7 septembre 1888 confondue avec celle d’un mois infligée le 18 mai de la même année.
Cela fait beaucoup pour lui, même s’il est un habitué du tribunal, pour des faits de braconnage. Mais la guillotine n’est pas passée loin de son cou.
Si Poidras et Fichepain n’avaient pas avoué leur crime et ne l’avait pas innocenté, rien ne l’aurait sauvé. A la place, il fait son temps en prison, prisonnier modèle qui travaille à la tresse en paille et au service général. Il est bien noté et quitte la prison le 5 janvier 1889. La peine qu’on lui inflige est plutôt clémente pour un récidiviste. Mais il y a six enfants à nourrir.
A-t-il cessé d’arpenter la forêt de Freteval ou bien a-t-il réussi à esquiver les gardes chasses ? Je ne le retrouve plus ni en prison ni au tribunal.
Antequam me signale “Notre ami commun, Jean Pierre, repart en prison le 12 septembre 1896 au motif de chasse sans permis : deux mois et une amende de 50 frs ; c’est pourquoi il n’apparaît pas dans le recensement de 1896…” donc seulement huit ans de “calme judiciaire” !!! pour cet oiseau rare, c’est déjà énorme.
Le château de la Gaudinière n’existe plus mais la forêt de Fréteval est toujours là. Pour l’anecdote, Fréteval est célèbre pour sa bataille, bataille qui a mené à la création d’une fonction qui existe toujours : celle de garde des sceaux .