Trou de mémoire collectif

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Le 4 août 1899, à Maray, Loir-et-Cher, Sophie Bonitieau, veuve Berthomier, décède, à l’âge de soixante-quatorze ans, au hameau des Bourdains.

Sa fille, Modestine Berthomier, va se marier le 7 mai 1901 et doit, pour cela, fournir un extrait de décès de sa mère…………. et patatras !! pas d’acte de décès dans la commune. Il va falloir en faire un d’urgence, et pour cela, elle fait appel au tribunal civil de Romorantin, le 12 avril 1901.

Sauf que les juges ne font pas des actes comme cela, juste à la demande. Il leur faut aussi des explications sur le pourquoi du comment de la chose.

Et là, ils se retrouvent face à une succession de trous de mémoires, d’absences et d’incertitudes.

Sophie Bonitieau est morte. C’est de notoriété publique. Le maire, les conseillers municipaux l’ont très bien connue. Elle était atteinte de paralysie depuis une dizaine d’années et ne vivait qu’en compagnie de sa fille Modestine.

La suite est recueillie par les gendarmes. Sophie est décédée le 4 août 1899, à onze heures du soir. Sa fille, Modestine, a demandé à la voisine, la femme Salé, soixante-quinze ans, d’aller faire la déclaration du décès à la mairie. Elle se serait présentée là-bas le 5 août, vers quatre heures du matin et n’ayant trouvé personne (on se demande bien pourquoi !!), elle aurait dit au sieur Roupillard, le sacristain, de faire le nécessaire. Encore une patate chaude qu’on se refile vite fait !!

Auguste Roupillard, le sacristain, quarante-neuf ans, se rappelle bien que la femme Sallé lui a fait part du décès de Sophie, mais qu’il ne s’est occupé que de ce qui concernait l’église et rien d’autre.

L’instituteur, qui remplit ordinairement les fonctions de secrétaire de mairie, était absent à l’époque et il ne comprend pas comment on a pu oublier d’inscrire le décès.

Le curé déclare qu’un permis d’inhumer lui a été délivré, mais il ne se rappelle plus qui l’a signé. Il a depuis détruit les documents, mais son registre de décès indique bien l’inhumation le 6 août 1899.

Le docteur Barzilay, de Mennetou-sur-Cher, déclare qu’il a bien donné des soins à Sophie, mais qu’il n’a pas été appelé pour constater le décès. Il est fréquent que les familles s’abstiennent de cet étape, pour éviter de le payer.

Le maire de Maray ne se rappelle pas si c’est lui qui a signé le permis d’inhumer et il indique qu’il délivre ceux-ci facilement, sans intervention du médecin, si le décès survient à la suite d’une maladie comme dans le cas de Sophie.

Le conseiller municipal Sineau, déclare, qu’en l’absence du maire, c’est lui qui délivre les permis d’inhumer mais, lui non plus, ne se rappelle pas si c’est lui qui l’a fait.

Cela fait beaucoup de trous de mémoire et d’entorses à la loi. Mais une chose est certaine : Sophie est morte.

Il ne reste plus qu’au tribunal, à lui rédiger un bel acte de décès.

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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