Nous avons coutume de représenter notre généalogie sous la forme d’un arbre dichotomique. Logique, puisque nous sommes tous issus d’un homme et d’une femme, connus ou non.
Pourtant, en cherchant mon ancêtre du jour, j’ai réalisé que le lien qui m’unissait à lui, ressemblait plutôt à une chaîne de vie. Une longue chaîne qui commence avec le premier hominidé de ma lignée (et pourquoi pas le premier organisme unicellulaire qui a donné la vie sur terre) jusqu’à moi.
Je suis unie à chacun de mes ancêtres par une chaîne de vie plus ou moins longue, en fonction des générations qui me sépare de lui.
Et cette chaîne, dont chaque ancêtre de la ligné forme un maillon, est plus ou moins solide, plus ou moins structurée.
Il y a, sur cette chaîne, des maillons fragiles, dont la seule existence a donné vie au maillon suivant. Pourtant, il aurait fallu peu de choses pour que ce maillon casse et mette fin à la chaîne.
Je suis donc issue d’une longue série de maillons, attachés les uns aux autres, et, à ce jour, je forme le dernier maillon de mes chaînes. N’ayant pas de descendance, je suis le maillon faible qui va mettre fin à toutes les chaînes qui ont mené à moi.
Tout ça pour ça ?
L’histoire et la généalogie nous montre que bon nombre de chaînes ont pris fin lorsque la descendance s’est interrompue. Fin de l’histoire?
Pas forcément. La généalogie par quartiers exclusifs a évolué, dans les moeurs des généalogistes, en généalogie avec collatéraux. Toutes ces chaînes interrompues connaissent alors une nouvelle vie. La recherche leur crée un lien avec les chaînes fraternelles qui elles, ont continué à grandir.
Mais notre existence tient à bien peu de choses : et si …
Mais parlons de mon ancêtre, Marie Henriette Cardon, ma sosa 107, qui a donné vie à cette réflexion.
Marie Henriette naît le 10 décembre 1774, au Marais-Vernier, dans l’Eure. Elle est le deuxième enfant de Charles Cardon, journalier, et de Marie Françoise Thouret, sa femme, depuis deux ans. Son père sait signer son nom, Marie Henriette le saura aussi.
Marie Henriette est un de mes maillons fragiles qui aurait pu ne jamais exister. Elle est le deuxième enfant d’une fratrie de six enfants, et la seule qui ait atteint l’âge adulte.
Son frère aîné, Charles Nicolas, né le 28 septembre 1773, ne vit qu’un mois. Il faut attendre six ans après la naissance de Marie Henriette, pour que naisse Charles Louis, le 14 novembre 1780, et qui décède deux ans plus tard. Nicolas Charles nait le 7 septembre 1785 et décède un an plus tard. La fratrie se termine sur des jumeaux mort-nés le 3 mai 1788.
Marie Henriette est la seule fille et la seule à atteindre l’âge adulte.
Ses parents ne verront pas leur fille se marier. Marie Françoise est partie la première, le 9 août 1790, à l’âge de 38 ans. Charles l’a suivie le 19 décembre 1793, à 51 ans.
Moins d’un mois après la mort de son père, Marie Henriette, qui signe de son nom, épouse François Boulant, le 2 janvier 1794, au Marais-Vernier. Il a 37 ans, elle en a 19. Lui aussi, signe son nom.
Marchand de bois, pêcheur, il s’installe avec sa femme au Marais-Vernier, où vont naître six enfants. Fatalité familiale ? Seuls deux atteindront l’âge adulte, Marie Anne, la seconde, ma sosa 53, et son frère, François, le troisième enfant. Tous les autres décéderont avant d’atteindre cinq ans.
Marie Henriette, survivante de sa fratrie, ne verra pas grandir ses enfants. Elle décède, à l’âge de 33 ans, laissant Marie Anne, 11 ans, et François, 9 ans, orphelins de mère. Leur père décède trois ans plus tard.
Marie Henriette était un maillon fragile de ma chaîne, comme son mari. Mais si…………. Si elle avait survécu…. et son mari aussi. Serais-je née ?
Tout semble lié dans nos destins croisés avec ceux de nos ancêtres.
Marie Anne, orpheline, va quitter l’Eure et se retrouver … 26 km plus loin, au Havre. 26 km, ce n’est rien, sauf que là, il faut traverser la Seine, et quitter une petite bourgade pour une grande ville. Le travail l’a probablement mené là-bas. Si ses parents avaient vécu, il est probable qu’elle serait restée dans l’Eure.
Devinez quoi ? Au Havre, elle a épousé un de mes maillons qu’elle n’aurait pas du croiser sans le destin : Dominique Joseph Leconte, du Pas-de-Calais. Ce dernier est arrivé au Havre, avec le service militaire, et y est resté.
Nous sommes donc tous issus de chaînes qui se croisent suivant le hasard, ou le destin………… Mais n’est-ce pas la même chose ?