Le 11 mars 1911, quai Saint Jean, à Blois, 10h20, le tramway n°5 arrive rue de la Levée, se dirigeant vers le Sanitas. Le wattman Royer est aux commandes.
A bord, l’abbé Straus, messieurs Renault et Lemeune attendent leur arrêt. Au même moment, Mr Paris, entrepreneur de maçonnerie à Blois, qui vient de sortir de la caisse d’épargne, a enfourché sa bicyclette et suit le tramway. Mais il a bien du mal, ce dernier allant vraiment très lentement. Sans cet obstacle encombrant, Paris serait déjà loin.
Madame Meunier, blanchisseuse, suit aussi le tramway, mais en poussant une brouette chargée de bois. Elle va aussi vite que lui.
Soudain, ils entendent tous des cris déchirants. Le wattman, suivant la procédure, arrête immédiatement le tramway et entame une marche arrière. Il recule de deux mètre, manquant de percuter Paris qui le suit de très près.
Tous voient et entendent, sur le trottoir, une femme qui crie. C’est la femme Cointepas, du bourg Saint Jean. Elle se trouvait sur le trottoir, longeant la promenade du mail, avec son fils âgé de trois ans. Chargée de paquets, elle tenait son fils par la main droite. Le petit garçon turbulant, lui a échappé au moment où le tramway arrivait.
Le receveur du tramway, Chipault, descend immédiatement et voie un enfant renversé sous l’avant de la voiture, la jambe droite coupée à la cuisse. Il ramasse l’enfant, le met dans les bras de sa mère pendant que Paris court chercher le docteur Ferrand. Il est emmené chez ses parents, rue du bourg Saint Jean. Son père est chef de la gare des messageries du P.O.. Le docteur Mornet, appelé par le commissaire de police, lui fait un premier pansement, pour stopper l’hémorragie. Quelques minutes après, il est transporté à la clinique de docteur Ferrand, rue d’Artois. Sa jambe ne tient plus que par quelques lambeaux de chair et doit être amputée. Les orteils de son pied gauche ont également été coupés. Son état est jugé désespéré.
La mère encombrée par ses paquets a dû lâcher le petit garçon qui, descendu du trottoir, a été tamponné par le marchepied, puis renversé sur la voie. La voiture est passée deux fois sur le petit garçon. La première lorsqu’il est tombé, la seconde lors de la marche arrière.
Rien dans le rapport ne dit qui ils sont.
Son état désespéré laissait craindre un décès que je n’ai pas trouvé dans les registres. C’est plutôt une bonne nouvelle. Alors, de base en base et de registre en registre, la piste me mène à un petit garçon, Maxime François Maurice Cointepas, fils de Paul Pascal Fernand Cointepas, employé au chemin de fer d’Orléans et de Angèle Marguerite Guérizec, né à Orléans, le 29 mars 1908.
Si c’est bien notre jeune estropié, il a vécu jusqu’en 1982, date de son décès à Saint-Michel d’Entraygues, en Charente. Mais une mention marginale m’interpelle. Le 10 juin 1920, le tribunal de Blois (oui, Blois) le déclare pupille de la nation.
Effectivement, Paul Pascal Fernand Cointepas, son père, est Mort pour la France le 26 décembre 1915, à Blois, en service commandé. Il était sous-lieutenant à la 3e section des chemins de fer de campagne.
Et sa mort n’est pas sans rappeler l’accident qui a estropié son fils. Sous-chef à la petite vitesse, il a été écrasé entre le tander et un pilier. La poitrine défoncée, il est mort de ses blessures. Il avait trente-six ans.