Z comme les deux voitures de Zéphir Gervy
Le 2 janvier 1911, à 3h15, l’automotrice n°3 est sur la ligne un, rue Denis-Papin, à Blois. Au même moment, Zephir Gervy, quarante-deux ans, charretier au service de M. Chesneau, voiturier rue Cobaudière, se dirige vers la gare Saint Lazare. Il conduit deux voitures attelées chacune à un cheval. Le dernier cheval est attaché par une corde à l’arrière de la première voiture. Ainsi constitué, le convoi fait plus de dix mètres de long.
En arrivant vers le magasin Desnoyers, bijoutier du Denis Papin, Zephir Gervy voit arriver en sens inverse, le tramway qui avance à 4 km/h. Ce dernier franchit la courbe située au bas de l’escalier monumental (escalier Denis Papin) et doit s’arrêter au Grand Bazar, situé immédiatement après le magasin Desnoyer.

Zephir qui est à la tête de la première voiture, entend bien la sonnerie du Tramway.
Les voitures dirigées par Zephir sont bien à droite. Elles laissent largement la place au tramway de passer. Mais, après le passage de la première voiture, le cheval qui tire la seconde se porte brusquement sur la gauche. L’avant du tramway tamponne alors le moyeu de la voiture. Métivier, le wattman, arrête immédiatement le tramway dans un espace de deux mètres seulement.
L’effet domino
La tôle de la plateforme du tramway est faussée. La frette du moyeu de la voiture légèrement aplatie. Le choc a fait tourner l’arrière de la voiture vers le trottoir et le brancard gauche s’engage à l’intérieur de la plateforme arrière de l’automotrice, à 65 cm du bord, en laissant sa trace sur la tôle.
Tout cela semble bien peu important, juste de la tôle froissée et un peu de casse.
Mais le deuxième choc a accentué le mouvement en arrière de la voiture, brisant la devanture du magasin Desnoyers.
A ce moment-là, Louise Wagner (née Habert), trente-neuf ans, et ses deux enfants, Louise, quinze ans, et Madeleine, neuf ans, regardent l’étalage du magasin. En entendant le premier choc, la mère de famille se retourne instinctivement. Elle est projetée dans la devanture et se retrouve prise entre l’arrière de la voiture et le montant de la porte du magasin.
Pour dégager la victime, le tramway doit reculer de quelques mètres. La manœuvre effectuée, les secours peuvent dégager le voiture et libérer la victime.
Louise a perdu connaissance. Elle est transportée dans une pharmacie à proximité, puis à son domicile, 25 rue Bertheau, à Blois.
Ses deux enfants, renversés dans la vitrine, n’ont que de légères contusions.
Les dégâts matériels causés au magasin et aux marchandises exposées sont importants. Pour sa part, le tramway n’a que des tôles froissées.
Louise, par contre, est grièvement blessée. Elle a un bras cassé et la poitrine défoncée. Elle décède chez elle, quelques heures plus tard.
La responsabilité de Zéphir
Si la responsabilité du wattman est écartée, celle de Zephir est entière. Le maire de Blois, avec l’arrivée du tramway, avait pris un arrêté, le 2 juillet 1910, interdisant la conduite par un seul charretier ou roulier, d’un convoi de plus d’une voiture, dans la ville et ses faubourgs. En outre, il aurait dû, à l’arriver du tramway, se ranger sur le côté et tenir les deux chevaux. Trois fautes qui lui font attribuer l’entière responsabilité du drame.
Pour une fois que personne ne passe sous les roues du tramway, la fin n’est pourtant pas heureuse.
Au mauvais endroit au mauvais moment, pauvre femme… Bravo pour ce challenge : pas vraiment là pour remonter le moral 😅, mais très bien documenté et réalisé !
Les gens heureux n’ont pas d’histoire, tout le monde le sait !!! Promis, pour le prochain challenge AZ, j’essaierai d’être moins gore !!
Que de morts dans ce Challenge consacré aux accidents de train, tramway ou charrettes, mais très intéressant et bien documenté. Merci pour ces lectures.