Faire sa généalogie, c’est, en quelque sorte, ressusciter les morts. Imaginez-vous, individu lambda. Vous avez mené votre vie comme vous l’avez pu, au gré des aléas de l’histoire de votre époque et vous êtes mort.
Le temps a passé et votre souvenir s’est effacé de toutes les mémoires. Vous n’avez rien inventé de génial, vous n’avez rien écrit d’impérissable, vous n’avez pas révolutionné votre époque, tout comme des millions d’autres compatriotes.
Il ne reste plus aucune trace de vous, pas même une pierre tombale au cimetière, pas une photo identifiée. Vous avez rejoint la poussière de vos ancêtres, ceux-là même que vous aussi, aviez oublié.
Et un jour, quelqu’un de votre sang, direct ou non, se met en tête de vous ramener à la vie. Il arpente la moindre parcelle d’archive pour vous retrouver, vous identifier, savoir tout ce qu’il peut sur vous, votre vie. Vous voilà de nouveau là, vivant (presque).
Vous êtes sur un arbre, avec vos ancêtres, ceux de votre arbre, de votre sang, du moins ceux qui l’ont reconnu.
Et il y a les autres. Ceux qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas assumé leur lignée. Ces pères d’un instant qui ont renié leur enfant, ces mères qui n’ont pas même laissé leur nom, ceux-là sont nos ancêtres perdus à jamais dans la nuit des temps.
Sur mes douze premières générations, j’ai sept mères célibataires. Cela veut dire que sept hommes n’ont pas assumé leur rôle de père, à la face du monde. Ils n’ont laissé aucune trace sur mon arbre. Mais ce ne sont pas uniquement sept ancêtres perdus. Ils représentent, en fait, quatre-cent-quarante-et-un ancêtres perdus (si je me limite à douze générations).
Quatre-cent-quarante-et-un personnes inconnues qui vont le rester à jamais. Ce sont mes ancêtres perdus.