L’année 1755 est une année terrible pour les marins français, leurs bateaux et l’économie qui en découle. La flotte anglaise a saisi, au printemps, trois cents navires de commerce français et leurs huit milles hommes d’équipage. La guerre maritime entre l’Angleterre et la France n’est pas une bonne chose pour la Normandie. Les hommes risquent de partir, enrôlés de force ou pas, pour une guerre qui les dépasse, une guerre qui va durer sept longues années.
Le monde devient-il fou ?
En novembre, un tremblement de terre suivi d’un gigantesque raz-de-marée a dévasté la ville de Lisbonne, à des centaines de kilomètre de là. Les morts se comptent par milliers, la ville est détruite et le fanatisme religieux s’empare de certains.
Etonnant comme les soubresauts de la terre accompagnent les soubresauts des hommes et leurs guerres.
Jeudi 4 décembre 1755, à Gonfreville-l’Orcher, Pierre Tougard, toilier de son état, est loin de ces contingences. Marguerite Mahault, sa femme depuis dix mois, vient de mettre au monde leur premier enfant, un garçon. C’est un beau présage.
Malgré le froid, il s’empresse d’emmener le nouveau-né à l’église, pour qu’il reçoive le baptême et ses prénoms, Jacques Augustin.
Le père de Pierre, Jacques Tougard, et sa belle-mère, Marguerite Le Berquier, vont le tenir sur les saints fonts de baptême. Jacques Augustin est l’aîné des aînés, car Pierre et sa femme sont les aînés de leur fratrie, les aînés vivants.
Pierre ignore, à ce moment-là, que Jacques Augustin sera son seul fils. Les six qui vont le suivre seront toutes des filles.