C comme série C, cote 1 C 254 des archives départementales du Loir-et-Cher.
Le lundi 28 mars 1768, après-midi, c’est le marché au blé à Romorantin. Les blatiers des alentours sont venus pour vendre leur blé et, bien évidemment, ils doivent payer des droits.
Justement, Pierre Chameau, trente-six ans, et Agnan René Musset, vingt-cinq ans, sont là pour cela. Ce sont les préposés à la perception des droits domaniaux de la ville de Romorantin. Leur statut officiel est mesureurs royaux des gros et menus grains en la ville de Romorantin.
Sauf qu’au lieu de recevoir de l’argent, ils reçoivent un refus formel de payer, des injures et une rébellion très active de la part de Lambert, blatier à la Chapelle-Montmartin, de Courant et Jean Phalier, blatiers à Graçay. Non content de refuser de payer, les trois marchands excitent la foule du marché, qui se met à crier “il faut tuer les bougres là, ou du moins leur casser les bras”.
Les deux mesureurs sont poussés rudement, entourés par la foule. Sentant leur vie en danger, Pierre Chameau et Agnan René Musset doivent s’enfuir jusqu’au bureau des droits. Arrivés là, ils s’empressent de rédiger un procès verbal nommant les blatiers et les personnes de la foule en furie qu’ils ont pu reconnaître : Pierre Chantier, tissier, la femme de Silvain Auger, boulanger, le nommé Ribault, cardeur, la fille Lecoeur et le nommé Mennier, geôlier, tous habitants la paroisse.
Le procès verbal remonte jusqu’à maître François Tessier, régisseur général pour le compte du roi, des droits réunis au Domaine qui en demande justice au procureur.
Pierre Chameau et Agnan René Musset, les deux malheureux mesureurs, sont entendus par Jean Gabriel Guillaume de Belleval, conseiller du roi, président de l’élection, le lendemain, 29 mars. Le 7 avril, à huit heures du matin, les deux hommes persistent dans leur témoignage au cours d’une “information et répétition”.
J’ignore quelle suite a été donnée à cette rébellion musclée mais une petite recherche généalogique m’a permis de retrouver quelques protagonistes :
Pierre Chameau est le beau-frère d’Agnan René Musset. Il a épousé sa soeur, Marie Anne, le 7 février 1757, à Monthault. Il est décédé le 4 octobre 1787 à Romorantin, à l’âge de cinquante-six ans, fermier du four banal.
Agnan René Musset, son beau-frère, s’est marié un an après l’affaire, le 6 février 1769, à Selles-sur-Cher, avec Marie Anne Giraud. Il est décédé le 19 février 1815, à Villeherviers, propriétaire, à l’âge de soixante-quatorze ans.
Pierre Chantier, le tissier vindicatif, serait le Pierre Chantier, marié le 27 avril 1761 à Romorantin, avec Marie Magdeleine Hervineau. Il avait trente-deux ans, environ, au moment des faits. Il est décédé le 2 août 1813, à Romorantin.
Le femme de Silvain Auger serait Magdeleine Deveniau (Devineau). Ils se sont mariés le 30 janvier 1764, à Romorantin. Elle avait trente-cinq ans le jour du marché. Elle est décédée le 6 novembre 1780 à Romorantin, à l’âge de quarante-sept ans.
En ce qui concerne Ribault, cardeur, il peut s’agit de Vincent Ribault, ouvrier en laine de trente ans, marié le 22 février 1762 à Romorantin, avec Thérèse Bornais, ou de Jacques Ribault, compagnon cardeur de trente-cinq ans, marié le 23 novembre 1756 avec Jeanne Mahault. Vincent et Jacques sont frères.
Pour la fille Lecoeur et le nommé Mennier, je n’ai rien trouvé de solide. Il en est de même pour mes trois blatiers rebelles.
Si vous reconnaissez vos ancêtres…..