Il y a des choix, dans la vie, qui mènent à la mort. C’est ce que l’on pourrait dire pour Robert Marie Felix Cansière. Quoique, si l’on croit au destin, on peut se dire que ce choix n’a changé que le lieu et l’heure, mais pas la destination finale.
Robert est né le 25 juin 1893, à Blois, troisième enfant d’Auguste Joseph Cansière et de Marie Aimée Boulain. Il est cultivateur, comme son père, lorsqu’il part à l’armée, le 27 novembre 1913, au 46e régiment d’infanterie.
Mais le 17 mai 1914, pour convenances personnelles, Robert demande à changer de régiment et intègre le 113e régiment d’infanterie. De quelles convenances personnelles s’agit-il ? Le 19 janvier 1914, il est classé soutien de famille. Est-ce pour cela qu’il a souhaité changer de régiment ? Le 113e étant en caserne à Blois ?
Parti avec son régiment sur la frontière belge, à Signeulx, il est porté disparu le 22 août 1914, au cours d’un violent combat où le régiment a dû se replier. Il est présumé prisonnier. Le 8 février 1916, un acte de disparition est dressé par le régiment.
Dans le même temps, son frère, Henri Abel Gabriel, classe 1912, est au 28e bataillon du génie, depuis le 1er mai 1914. Il se retrouve au front dès le 3 août 1914. Le 7 octobre, il est au 2e régiment du génie, quand il embarque pour Salonique et le front d’Orient. Il y reste jusqu’au 13 août 1919. (Cité à l’ordre du régiment – médaille d’Orient – médaille Serbe).
Son jeune frère, Marcel René, classe 1916, part au front, le 1er octobre 1915, au 82e régiment d’infanterie. Il est porté disparu, à son tour, le 16 avril 1917, à Juvincourt. Mais les nouvelles arrivent très vite pour lui. Le 26 mai 1917, l’avis de son internement au camp de prisonnier de Limburg, arrive par la croix rouge. Il va subir treize mois de captivité et être rapatrié, avec le convoi du 14 décembre 1918, venant de Martigny. Il souffrira toute sa vie de séquelles pulmonaires de sa captivité. Il décèdera en 1935, à l’âge de trente-neuf ans. (Cité à l’ordre du régiment – croix de guerre, étoile de bronze).
Difficile d’imaginer ce que les parents ont pu ressentir, avec un fils au loin, en Orient, un autre prisonnier et un troisième porté disparu. Si les deux premiers vont revenir, il n’y aura jamais aucune nouvelle pour le dernier.
Le 17 juin 1920, Robert est déclaré officiellement Mort pour la France, à Signeulx, le 22 août 1914. Le jugement servira d’acte de décès, et sera retranscrit sur les registres de l’état civil de Blois, le 28 novembre 1920. Son nom est porté sur le livre d’Or de la commune, sur le monument aux morts et sur une plaque commémorative aux anciens élèves de l’école Victor Hugo, Morts pour la France.
Son corps a été formellement identifié en Belgique, car il figure sur la liste des soldats français tombés les 21 et 22 août 1914, dressée par le curé de Signeulx, le bourgmestre de Mussy-la-Ville, et le graberbüro de Virton. Les noms ont été relevés sur les corps avant que les allemands n’emportent tout ce qui aurait permis de les identifier.
La liste du graberbüro concerne les soldats français enterrés dans le cimetière de Mussy-la-Ville, antérieur aux exhumations et réexhumations de 1917, voulues par les allemands. Robert est sur cette liste, sous le nom de Caussière. Ces listes sont transmises à l’armée française en 1919.
L’endroit où son corps a été réinhumé ne sera jamais retrouvé. Robert Marie Felix Cansière reste, à jamais, un disparu de Signeulx. Il avait vingt-et-un ans. Seule consolation, il repose dans un des cimetières, et non sur le champ de bataille, mais dans une tombe anonyme, ou un ossuaire.
C’est très intéressant de nous faire découvrir tous ces Loir et Chériens morts pour la France..jusqu’ici ils n’étaient que des noms sur des tombes ou un monument aux morts…maintenant on connait leur histoire…ils semblent sortir de m’anonymat pour venir, 100 ans après, nous conter leur tragique destinée…
C’est assez terrifiant d’imaginer la suite de cette hécatombe : tous ces corps à identifier, quand il est encore possible par leur plaque militaire. Plus que poignant !