Challenge AZ – prélude suite : les disparus de Signeulx

Saint Mihel-Belleray

Destination : la Meuse. Le 113e régiment d’infanterie arrive à Sampigny, d’où il part, par la route, pour Saint-Mihiel, où il cantonne. Il doit garder les débouchés Nord et Nord-Est de Saint-Mihiel et assurer la surveillance des issues sur toute la rive droite, et tenir les routes de Vigneulles et d’Apremont. Le 8 août, départ pour la région de Senonville Varvinay. Le 113e prend la route de Chaillon. Le 9, le 113e franchit le pont de Saint-Mihiel va cantonner sur l’autre rive. Le 10, il fait mouvement par la rive droite de la Meuse et s’échelonne entre Haudainville et Troyon. Il part cantonner à Belleray.

Les troupes sont fraiches mais la marche est pénible. Les routes sont encombrées et il fait très chaud. Les premières évacuations commencent sans qu’aucun coup de feu n’ait été échangé : les éclopés et malades sont évacués sur l’hôpital de Saint-Mihel et la caserne Caurobert.

Belleray-Mogeville

Pendant trois jours, le 113e reste au cantonnement de Belleray. Les effectifs sont passés à 53 officiers et 3213 pour la troupe.

Le 14, le 113e marche au gros de la colonne et se dirige sur Mogeville où cantonnent les 1er et 3e bataillons. Le 2e bataillon se rend à Dieppe. Rien ne bouge durant deux jours. Le 17, le 113e quitte ses cantonnements et va occuper Azannes.

Le 18 août, ils partent pour le front de Maugiennes, établissant des avant-postes. Ils restent sur place le 19 et le 20.

Azanne-Signeulx

Le 21 août 1914, le 113e forme l’arrière-garde d’une colonne de division, le 3e bataillon formant la tête, suivi du 1er puis du 2e bataillon. Leur itinéraire est le suivant : Maugiennes, Saint-Laurent-sur-Othain, Longuyon, Pont-Ouest, Tellancourt, Saint-Pancré et Signeulx. Vers midi, la tête du régiment atteint Saint-Pancré. Les bataillons se séparent : le 3e va sur Ville Houdelemont, par Buré-la-Ville. Le 2e le suit et le 1er reste disponible vers Buré-la-Ville, avec une compagnie détachée à Saint-Rémy. Le 3e bataillon parvenu à la lisère Nord de Ville Houdemont, échange quelques coups de feu avec des cavaliers, à hauteur de Signeulx.

A 17 heures, une section détachée de la 9e compagnie (3e bataillon), sur Barranzy, est arrêtée en face de ce village, par une compagnie allemande. La 10e compagnie, sur les pentes sud de Mussy, signalent de l’infanterie en force dans des tranchées, au nord de Mussy-Saint-Léger. Une compagnie du 2e bataillon est envoyée vers Baranzy pour récupérer la section détachée qui se replie. Devant eux, l’infanterie allemande est très supérieure à une compagnie et la cavalerie est là, également.

Les 9e et 12e compagnies sont déployées pour recueillir les sections engagées. Vers 18h le 2e bataillon reçoit l’ordre de les renforcer. A 18h20, la 6e compagnie (à cheval) est sur la route de Signeulx Barranzy, à hauteur de la station. Les 7e et 8e compagnie la prolongent à gauche, la 5e est en réserve. Et la guerre commence réellement pour eux : l’artillerie allemande entre en action.

La situation reste ainsi jusqu’à la nuit. Les unités du 3e bataillon organisent les pentes sud de Blen et de Mussy. Le 2e bataillon en fait de même entre le 3e et la station de Signeulx. Le 1er bataillon est maintenu disponible à Ville Houdelemont.

 

22 août 1914, ordre général : le 113e attaque le front Barranzy-Genneveau, accompagné par un peloton du génie. Il est 5h30.

Le régiment se forme en ligne de colonnes doubles de bataillon : objectif Baranzy-Genevaut-Rochecourt.

Plan Signeulx

Le 3e bataillon est à gauche, une partie du 2e bataillon, déjà engagé la veille, est à droite, une partie du 1er bataillon est également à droite. Quelques compagnies du 2e et 1er bataillon restent en réserve avec la musique, le drapeau et l’état-major du régiment. Le 131e régiment est à droite, le 4e corps à gauche.

Et cela commence très mal. La marche des hommes est gênée par un brouillard épais. Les unités se heurtent très vite aux positions allemandes.

Depuis le 10 août, ces derniers, par petits groupes de cavaliers, massaient des forces considérables, dans les bois. Pendant toute la nuit du 21 au 22 août, l’infanterie et l’artillerie allemande a traversé le village de Baranzy pour se diriger vers Signeulx. Les français n’ont aucune idée de ce qui les attend.

Le régiment tente par deux fois l’assaut des premières tranchées, mais doit se replier, vers 8h30, à la sortie N et NO de Signeulx. Les pertes sont énormes. Les hommes sont fauchés et tombent au sol, en ligne. Le 4e régiment d’infanterie se porte à Signeulx pour les renforcer.

Le colonel est blessé, les trois chefs de bataillon sont tués, blessés ou disparus. Les trois-quarts des capitaines également. Le capitaine adjoint au colonel est blessé. Le capitaine de la Giraudière adjoint au chef de corps, rassemble ce qu’il reste du régiment, à Buré-la-Ville, avec le sous-lieutenant Lecourt, soit cinq hommes environ. Ils occupent le sud de Saint-Pancré, sur ordre de la division puis se dirigent sur Tellancourt. Le régiment va occuper Petit Civry, pour la nuit. Il y arrive vers 16 h.

Le 21 août a coûté au régiment quatorze hommes : deux tués, cinq blessés et sept disparus.

Le 22 août coûte au régiment douze tués, cent-soixante-quatre blessés, et huit cent trois disparus. Mais ces chiffres ne sont pas complets. Il manque ceux de la deuxième compagnie : seuls seize hommes et le capitaine sont revenus du combat. Les comptables de la compagnie ont tous été tués ou portés disparus et avec eux, les chiffres des effectifs.

Le colonel Marie Ferdinand Gerardin est capturé ce jour-là, par les allemands, et décède des suites de ses blessures, à l’hôpital de Coblence, le 22 décembre 1914. Il avait cinquante-six ans et était natif de Metz.

La bataille de Signeulx a décimé le 113e régiment d’infanterie : officiers, sous-officiers, soldats. La retraite n’a pas permis d’emmener les blessés et encore moins les morts, restés sur le champ de bataille. Tous payent un lourd tribut, et, pour les familles, commencent une longue, très longue attente, pleine d’angoisse, d’espoir et de peur : où sont les disparus de Signeulx ?

Les blessés ont été transportés jusqu’au village de Signeulx où ils s’entassent dans les maisons jusqu’à ce que les allemands arrivent et les en chassent. Ils viennent mettre le feu au village et fusillent les soldats français blessés qu’ils trouvent sur leur route. Il faut l’intervention courageuse de religieuses pour que les mises à feu des maisons cessent. Cinq sont déjà la proie des flammes. Les habitants sont terrifiés. Ils essayent de soigner les blesser mais se retrouvent à leur tour, la cible des allemands.

Une fois l’ivresse des combats dissipée, les soldats allemands reprennent les opérations militaires. Ils obligent les habitants à se rendre sur le champ de bataille pour y récupérer les blessés et enterrer les morts dans des fosses creusées à la hâte. Les corps sont fouillés et leurs effets personnels qui aurait pu permettre d’identifier les corps, sont retirés et rassemblés dans deux sacs. A terme, leur contenu finira par disparaître au profit de certains. Les livrets militaires et les plaques d’identités sont rassemblés par les allemands, et emmenés à Bleid. Des listes sont dressés : morts, blessés, prisonniers…….. mais tout disparait dans un incendie à Varennes pour une partie, l’autre partie est détruit avec le train qui la transportait, dans la région de Varennes-en-Argonne. Beaucoup de mort n’ont pu être identifiés et sont inhumés dans des fosses communes. Il ne reste que des listes incomplètes, dressées par le curé de Signeulx, le bourgmestre de Mussy-la-Ville et Graberburo de Virton. En 1917, les Allemands feront exhumer les corps pour les réenterrer dans les trois cimetières de Baranzy, Mussy-la-Ville et Signeulx. Mais l’ont-ils tous été ? Plus rien ne permet de les identifier.

Où sont les disparus de Signeulx ? Inhumés dans les fosses communes de ces cimetières, en captivité dans un camp en Allemagne ? Combien sont morts ? Combien sont en vie ? Il faudra attendre la fin de la guerre pour avoir des réponses à ces questions. Les prisonniers rentrés au bercail, l’armée fait ses comptes et les jugements déclaratifs de décès vont s’échelonner jusqu’en 1923, soit presque dix ans après le massacre du 113e régiment d’infanterie.

Signeulx - cimetière

Que reste-t-il aujourd’hui de Signeulx, dans la mémoire des blésois ? Un monument aux morts, où les noms des gars du 113e, tombés le 22 août, sont mêlés aux autres soldats, Mort pour la France. Deux plaques de rue, près de la caserne : une en mémoire au 113e, le régiment, une en mémoire de Signeulx, où sont tombés les petits-gars de la garnison de Blois.

Ce challenge AZ va être l’occasion de parler de vingt-six d’entre eux : vingt-six disparus de Signeulx

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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