La lettre U nous emmène sur la route de Lavardin à Montoire, en plein mois de décembre.
Constant Ganaye est natif de Taintrux, dans les Vosges. Il est cultivateur, comme son père, Jean Quirin, et sa mère, Marie Christine Morel. Comment a-t-il atteri à Bessé-sur-Braye, dans la Sarthe ? Le fait est qu’il y est cultivateur, lorsqu’il épouse Philomène Aubry, le 8 février 1862. Il a trente-quatre ans, elle en a vingt.
Constant ne va pas rester cultivateur. Le couple part s’installer à Sèvres, dans les Hauts-de-Seine, où naît leur fils, Constant Eugène. Constant est marchand de vin.
La guerre éclate, celle de 1870. Philomène part dans le Loir-et-Cher, pour y mettre au monde Georges Joseph, le 23 décembre. Constant est resté à Sèvres.
Est-ce à cause de la guerre ou le projet était-il en route, le couple s’installe à Montoire où Constant devient aubergiste.
Le 16 décembre 1873, Constant revient de Lavardin, vers cinq heures du soir. Il est sur le chemin de grande communication n°8. La nuit est tombée.
Constant est monté dans sa voiture suspendue, non éclairée, et va au trot, vers Montoire. Il voit venir à sa rencontre, une voiture éclairée, qui va à la même allure que lui. Constant se range sur la droite, pour l’éviter. Sa voiture est en partie sortie de la route, une de ses roues passant par-dessus un mètre de pierres, sur la berne.
Presqu’au même moment, il est heurté par une deuxième voiture, non éclairée, qui suivait la première et qu’il n’avait pas vu.
Celle-ci voulant visiblement dépasser la voiture éclairée, le heurte de plein fouet. Le choc est violent et envoie valser Constant derrière sa voiture, pendant que son cheval effrayé, poursuit sa route et rentre directement à l’écurie.
Constant, blessé, appelle à l’aide. Ses cris sont entendus par Baptiste Gatien Debenne et Jean Percheron, charpentiers à Lavardin, qui passent à proximité. Ils accourent, et, à la vue de ses blessures, le mettent dans une voiture à bras pour le ramener chez lui.
Et la voiture qui a provoqué l’accident ? Elle ne s’est même pas arrêtée, pas plus que la voiture éclairée.
Constant a la lèvre inférieure coupée en deux endroits. Le docteur Larthe appelé à son chevet, doit lui recoudre. Il a plusieurs autres écorchures au visage et de vives douleurs aux reins et à la jambe droite.
Jean Latu et Nicolas Grapon, gendarmes à cheval de la brigade de Montoire, prévenus de l’accident, mènent l’enquête, et identifient la première voiture, éclairée. Elle était conduite par le sieur Cullerier, cultivateur à Sasnières. Quant à l’autre voiture, on soupçonne le sieur Luneau, aussi cultivateur à Sasnières, de l’avoir conduite.
Le témoignage des hommes qui ont secouru Constant, disent que ce dernier allait à très vive allure, ce qui a pu contribuer à l’accident, et il n’était pas éclairé.
Malheureusement, les gendarmes ne peuvent interroger les deux autres conducteurs. Ces derniers vivent dans la circonscription de Saint-Amand et dépendent d’une autre brigade.
Les deux vignerons de Sasnières qui rentraient chez eux, l’un éclairé et l’autre pas, faisaient-ils la courses ? Le procès-verbal s’arrête là. Il n’y aura pas de réponse, mais la maréchaussée actuelle pourrait verbaliser tout le monde : défaut d’éclairage, excès de vitesse, conduite dangereuse, délit de fuite et non-assistance à personne en danger (en ai-je oublié ?).
Je gage que Constant a compris l’utilité d’être éclairé.
Il changera vite de métier, et d’aubergiste, il va devenir champignonniste et le restera jusqu’à sa mort, en 1890.