Lorsque je pense à mes ancêtres, et au passé plus largement, le film qui défile sous mes yeux est en noir et blanc, avec nuances de gris parfois et plus rarement sépia. La faute aux photos ? Probablement. Mais aussi aux églises qui, aujourd’hui, ne sont que couleur de pierre, excepté les vitraux.
Sur une photo de 1918 regroupant ma famille bretonne, je pourrais même croire être d’origine sénégalaise, tant leur peau est sombre. C’est la faute au temps qui passe sur le support carton, bien sûr. Je n’ai pas encore trouvé la moindre trace de sang autre que français dans mes veines. D’un côté, j’en suis heureuse. Les archives françaises sont championnes toutes catégories pour les recherches et l’accessibilité. D’un autre côté, je suis un peu déçue. Cela aurait mis un peu de piment sur mon arbre. J’effleure tout juste la Belgique avec des Flamand (nom de famille) du Pas-de-Calais sans traverser la frontière.
Je n’ai plus qu’à me rattraper sur mes neveux (du sang Calabrais d’un côté, Espagnol de l’autre) pour humer la difficulté de chercher ailleurs qu’en France.
En dehors de la coloration naturelle de leur peau, mes ancêtres vivaient-ils en noir et blanc ?
Bien sur que non. Leur vie était même très colorée : la nature omniprésente dans leur quotidien, leurs vêtements (surtout les hommes au XIXe, avec des chemises fleuries, à rayures, bleues, vertes, rouges..) et les églises. La preuve en est faite par les archéologues, avec les traces de polychromie sur les façades et les statues des églises, qu’aujourd’hui nous ne voyons que grises et les fresques à l’intérieur, effacées par le temps et l’homme.
jubé polychrome de l’église Saint-Yves à Roche
Portail de l’église d’Autry
Les maisons ne sont pas en reste. En Normandie, exit les maisons à colombage blanches et noires. Les façades pouvaient être roses, bleues, vertes.
Rouen – Seine-Maritime
Et les bretons ? Qui réutilisaient le surplus de peinture des bateaux pour repeindre les volets et les portes de leurs maisons.
Non, mes ancêtres ne vivaient pas dans un monde de cendre. Il était fait de lumière et de couleur. Leurs joues étaient rouges dans l’effort, leurs yeux bleus, roux, bruns, d’après l’armée, leurs cheveux blonds ou châtains. Parce qu’avant d’être des noms sur des actes ou des visages figés et sérieux sur des photos en noir et blanc, ils étaient des êtres vivants.
C’est ce qui m’a toujours étonnée en lisant des actes d’enfants trouvés et la description de leurs habits. Il y a des tas de couleurs, qualité de tissus avec rayures et petites fleurs, des tas de rubans….. Comme vous j’ai tendance à voir en noir et blanc.