La mort d’un enfant

La mort d’un enfant est probablement la pire chose qui puisse arriver à des parents. Aujourd’hui, la médecine, les mesures de sécurité diverses et variées, permettent de diminuer au maximum le nombre de décès d’enfant. Mais, malheureusement, le chiffre zéro décès est impossible à atteindre et l’accepter est tout aussi impossible, aujourd’hui.

Dans le passé, la mortalité infantile était très élevée et il était rare qu’une fratrie atteigne l’age adulte dans son intégralité. La religion et la fatalité permettaient de l’accepter. C’est du moins ce que nous voulons croire. Après tout, la médecine balbutiait et les maladies étaient nombreuses qui pouvaient entraîner la mort. Comment nos ancêtres auraient-ils pu lutter contre cela : des morts inévitables.

En généalogie, nous collectons ces morts sans pouvoir leur donner une explication. Nous nous contentons de les rassembler sous l’appellation “mortalité infantile”. Mais parfois, certains documents viennent ébranler ces certitudes.

Paul Grillon est domestique chez le sieur Beaujouan, fermier à la petite brosse, commune de la Madeleine-Villefrouin. Il a treize ans.

grenier-foin

Le 6 juillet 1870, à quatre heures et quart du soir, après le repas, le fermier envoie Paul dans le grenier à fourrage, pour ramasser et mettre en sac des débris de fourrage pour les vaches. Au bout de quelques temps, Eugénie Lucas, seize ans, l’appelle, mais Paul lui répond qu’il n’a pas fini. Un quart d’heure plus tard, elle l’appelle de nouveau, mais cette fois, il ne répond pas. Elle demande à Célestin Hubert, dix-sept ans, domestique également, d’aller voir ce qu’il fait dans le grenier.

Il faut dire que Paul est plutôt paresseux. Il travaille à la ferme depuis le 24 juin et il a déjà été réprimandé pour cela. Mais il s’en fiche et continue à traîner les pieds. Le patron l’a prévenu le matin même que, s’il ne s’activait pas un peu plus, il devrait le renvoyer chez son père, à Saint-Léonard. Mais Paul était visiblement imperméable à tout ce que l’on pouvait lui dire. C’est du moins ce qu’il semblait, car, lorsque Célestin grimpe dans le grenier, il trouve Paul pendu à une corde fixée à une traverse de la charpente du grenier.

Le patron est alerté par les domestiques. Il accoure, monte au grenier, coupe la corde mais se rend compte qu’il n’y a plus rien à faire. Paul est mort.

Il envoie Auguste Cosson, un de ses journaliers, prévenir les gendarmes. Charles Hivernat, brigadier et Désiré Daudin, gendarme à cheval, à la résidence de Marchenoir, se rendent à la ferme pour faire les constatations et interroger les témoins. Ils sont accompagnés du juge de paix et du médecin de Marchenoir, le docteur Malewiez. Ce dernier confirme le suicide, après examen du corps. Les domestiques confirment à leur tour le témoignage de leur patron. Ce dernier a la réputation d’un homme très doux et estimé de ses voisins. Il n’arrive d’ailleurs pas à croire que ses seuls remontrances aient suffit à provoquer cette tragédie.

Le corps sera rendu à sa famille. Étonnamment, aucun acte de décès n’est dressé à la Madeleine-Villefrouin. Il est rédigé à Saint-Léonard et dans l’acte, Paul est déclaré décédé chez ses parents !!!

Drôles d’entorses à la loi…….. mais qui s’en préoccupe ? La guerre est déjà là, et les registres de décès vont se remplir de la mort d’autres enfants ……… adultes aux yeux de la loi, mais bien trop jeune pour mourir.

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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