Le destin de la petite Caroline

Blois - Hôtel Dieu 2

Lorsque la petite Caroline Massicar vient au monde, ce n’est pas sous les meilleurs hospices. Elle naît le 23 décembre 1873, à Pruniers, fille naturelle et illégitime de Caroline Massicar, vingt-cinq ans, domestique. C’est son troisième enfant et, ne pouvant l’élever, elle l’abandonne à l’assistance publique, dès sa naissance.

Quand on connaît le pourcentage de décès des enfants abandonnés dès la naissance, le seul fait qu’elle atteigne sa première année tient du miracle. Mais il semble qu’une bonne fée veille sur la petite Caroline, car elle va être placée chez Alexandre Touchain, trente-deux ans, et Madeleine Moreau, trente-huit ans, sa femme. Ils sont journaliers à Sassay. Ils ont un fils de huit ans, Léon, une fille de onze mois, Marie Louise, et élèvent déjà une petite de l’hospice de Blois, Marie Pichon, huit ans. Un bébé de plus à élever, cela pourrait n’être qu’une source de revenus pour eux. Ce sera plus.

Ils élèvent Caroline comme leur propre fille, et, d’année en année, les rapports des inspecteurs sont tous unanimes : bonne santé, fille intelligente, reçoit de bon soin, est entourée d’affection.

Lorsque Caroline atteint ses douze ans, elle n’est pas placée tout de suite, mais reste encore un an chez eux et va régulièrement à l’école.

Une fille de l’assistance publique à la campagne, est forcément placée comme fille de ferme. C’est ce qui lui arrive, à treize ans, lorsqu’elle est placée chez Pierre Henri Touchain et Marie Pinault, à Soings-en-Sologne. Ce ne sont pas des inconnus. Pierre Henri Touchain est un petit-cousin d’Alexandre, et lui et sa femme ont vécu à Sassay, avant de s’installer à Soings, autant dire qu’elle est placée en famille. Les rapports d’inspection sont tout aussi élogieux : petite pour son âge mais très travailleuse, bonne santé et meilleurs renseignements possibles. Tout se passe bien jusqu’en 1891. Caroline a dix-huit ans et le fils de la famille, Emile Henri, en a vingt-et-un. Caroline tombe enceinte.

Où va-t-elle se réfugier pour accoucher ? Chez ses parents nourriciers. Elle met au monde un petit Emile, le 29 septembre 1891. C’est le père de l’enfant qui le déclare et le reconnaît pour son fils. Mais il n’épouse pas, pour autant, la petite Caroline. Il se mariera, quatre ans plus tard, avec une fille née de parents connus.

Caroline dépend toujours de l’assistance publique. Elle est placée chez Lorillon, à Oisly, pendant deux ans, avant de sortir du système des enfants abandonnés. C’est à Oisly qu’elle rencontre Paul Alexis Lasnier. Il est de la commune, vigneron comme son père. Que Caroline soit fille de l’assistance et fille-mère ne semble pas le déranger car il l’épouse, le 11 août 1894, à Oisly. Alexandre Touchain est là, qui assiste aux noces de sa “fille”. Il est même son témoin.

La roue a tourné pour Caroline. Le couple s’installe à Choussy, où naissent leurs enfants. Le recensement de 1906 les trouve à la tête d’une famille de huit enfants, dont le petit Emile. Ils sont propriétaires exploitants. L’histoire ne dit pas si le père d’Emile s’est occupé de lui, où s’il s’est contenté de lui donner son nom, l’enfermant dans le statut de bâtard et empêchant le mari de sa mère, de le légitimer.

Et Alexandre Touchain et sa femme, Madeleine Moreau ? Au fils des années, ils ont eu, en nourrice, au moins treize enfants, tous de l’hospice de Blois. Et Madeleine a mis au monde cinq enfants. Des treize en nourrice, quatre sont morts, et dans la même période, elle a perdu trois de ses enfants. Comparé au taux de mortalité des autres nourrices de la commune, Madeleine était une bonne mère.

Plusieurs de ces enfants, recensement après recensement, ont passé leurs douze premières années chez eux, ce qui n’est pas courant, pour l’époque.

Oui, Caroline a été placée dans une bonne famille, mais ce n’était malheureusement pas le cas, de tous les enfants abandonnés.

 

 

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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