Le présent est le passé de demain

Le présent est la passé de demain : la phrase semble un peu torturée mais elle est réelle.

La période est propice aux rangements et au vidage de placard. Que garder, que jeter ? Au détour d’une boîte, je trouve des journaux, des revues, des années 50, 60. Aujourd’hui, c’est déjà le passé. Le papier est jauni, semble avoir perdu de son épaisseur. Pourquoi les avait-on gardé ? Parce qu’il s’agissait de revues sur le sport, des miroirs de l’époque. C’était le présent avec ses idoles de ce temps-là. Aujourd’hui, c’est le passé, et je suis bien contente de les trouver.

La leçon à retenir ? Ne pas tout jeter aujourd’hui et essayer d’imaginer l’importance que cela aura lorsque cela appartiendra au passé. Je ne parle pas d’importance pécuniaire mais d’importance “archivistique” personnelle.

Ce qui m’encombre aujourd’hui parce que c’est le présent et que je le connais par coeur, serais-je contente de le retrouver dans vingt ans, dans cinquante, dans cent ans (enfin, pas moi, mes héritiers !!!) ?

La même réflexion se pose sur ce que nous voulons laisser derrière nous, de nos vies. Et là, se heurtent la science et la conscience.

Aujourd’hui, nous sommes contents de trouver des cartes postales anciennes écrites, des vieilles factures, des courriers personnels, car ils sont des témoignages de la vie quotidienne, familiale et affective des ancêtres. Mais ces mêmes ancêtres auraient-ils été d’accord pour que des étrangers lisent leur courrier, pénètrent dans leur intimité, leur vie privée ?

Je suis toujours choquée, le mot n’est pas faible, de voir mis en vente sur la place publique, aux enchères, les lettres et objets personnels des “stars”. Le mort n’est pas toujours une histoire ancienne, certains sont nos contemporains très proches. Que leur histoire professionnelle fasse l’objet de ces ventes est normal, mais pas leur vie privée. Parce qu’une personne est décédée, elle perd le droit à la vie privée, à l’intimité ?

Nous ne sommes pas des personnages publiques, en tout cas, pas moi, donc mes petites affaires ne risquent pas d’aterrir dans les salles de ventes parisiennes. Mais rien ne dit qu’elles ne risquent pas d’aterrir sur une plate-forme de vente en ligne, parce que le papier utilisé, les timbres, l’écriture ou tout autre raison sera devenue à la mode d’une collection. Suis-je d’accord avec cela ?

La loi fixe le délai de communication lié à la vie privée à cinquante ans (Art. 17 de la loi du 15/07/2008) ce qui veut dire que, de mon vivant, la loi permet d’accéder à des documents qui me concernent sans mon autorisation. Est-ce juste ?

Si je ne peux pas influer sur ces règles pour les documents “publiques”, je peux le faire pour les documents en ma possession et choisir ce qui pourrait un jour être diffusé d’une manière ou d’une autre.

En clair, je dois choisir dès maintenant ce que je conserve et ce que je détruis et surtout, le devenir de ce que je conserve, après ma mort. Ainsi, je serais certaine du respect de ma volonté et de ma vie privée.

C’est un paradoxe non ? En tant que généalogiste, je recherche tout ce que je peux pour reconstituer la vie des ancêtres, mais en tant que personne, je m’inquiète de ce que ces mêmes ancêtres auraient pu penser de l’usage que je fais de cela.

La science heurte la conscience.

C’est le même principe que pour l’archéologie. Nous sommes contents de retrouver des tombes anciennes, de vieux cimetières et d’y faire des fouilles, des explorations, des examens. Nous exhumons les corps, les analysons, les mesurons etc. C’est la science.

La conscience nous dit qu’il s’agit d’être humains décédés qui ont été inhumés par leurs familles et qui seraient horrifiés de voir ce que nous faisons aujourd’hui.

Le temps ne change rien à l’affaire. Imaginez que demain, des chercheurs, au nom de la science, viennent déterrer vos parents, exhumer les dépouilles pour les examiner, les ranger dans des boîtes et les enfermer dans les sous-sols d’universités ou de musées.

C’est ce que nous faisons……….. Et pourtant, j’adore l’archéologie, les découvertes qui sont faites grâce à ces fouilles, ces recherches. Elles sont nécessaires pour comprendre le passé et sans compréhension du passé, il est difficile d’apréhender l’avenir.

Un paradoxe difficile à assumer parfois. L’éternel débat entre la science et la conscience. Et ce n’est pas nouveau, comme le disait ce cher Rabelais :

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Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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