Les bourreaux de Blois : le temps venu de la Révolution française

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La fin d’un monde est programmée, ce sera la fin de l’ancien régime, par le biais d’une révolution sanglante, dans laquelle les bourreaux vont avoir à jouer un rôle terrible.

Le Loir-et-Cher est un département modéré. Il n’y aura pas les bains de sang de vont connaître les villes de Paris, Lyon, Nantes et autres.

De 1792 à l’an X, il y aura 42 condamnations à mort, 98 condamnations aux fers, 22 condamnations à la réclusion. C’est peu. Joseph ne sera pas surchargé de travail.

Non, le problème de Joseph n’est pas la charge de travail. Le problème de Joseph est le travail en lui-même. Il hait son métier. Il hait le fait de n’avoir pas eu le choix. Il hait le nom que la population lui donne : bourreau.

Joseph croit en ce nouveau monde qui s’annonce, où tous seront égaux, où un homme choisira le métier qu’il veut exercer, où un homme pourra épouser qui il veut, vivre où il veut.

La désillusion sera à la hauteur de l’espoir.

Le 13 juin 1793, un décret de la convention nationale fait passer les exécuteurs de l’ancien régime à la révolution. Désormais, il y aura, par département un seul exécuteur des jugements, dont le traitement sera à la charge de l’état. Le traitement sera de 2400 livres par an pour les bourreaux des villes de moins de 50 000 habitants, 4 000 livres jusqu’à 100 000 habitants 6 000 jusqu’à 300 000 habitants ; et 10 000 pour Paris. Le havage est supprimé.

Evidemment, passer de plusieurs à un seul va mettre beaucoup de monde au chômage, sans espoir de trouver un autre travail, vu l’ostracisme auxquels sont soumis ces hommes. Ils recevront donc un secours annuel de 600 livres, dans l’attente d’une place qui se libère et, s’ils la refusent, ils perdront ce secours.

C’est une pilule amère que les exécuteurs vont devoir avaler.

Le 3 Frimaire de l’an II, la convention nationale apporte quelques précisions à l’exercice de la profession. Les exécuteurs départementaux vont toucher 1 600 livres pour deux aides. Celui de Paris a le droit à quatre aides payés chacun 1 000 livres.

Les frais occasionnés par le transport de la guillotine seront à la charge du trésor public, et les déplacements de l’exécuteur et de ses aides, seront défrayés à hauteur de 36 livres pour trois jours (un jour pour le départ, un jour pour le séjour, un jour pour le retour).

Les exécuteurs vont devoir défendre point par point, leurs factures. Mais cela, ils en ont déjà l’habitude.

Le lieu d’exécution va également être changé. Il se trouvait, jusqu’ici, dans la rue du faubourg neuf. Mais l’endroit est trop resserré pour contenir la foule qui assiste aux exécutions. De plus, cette rue est bordée de maisons d’habitation et leurs habitants, femmes enceintes et enfants, ne pouvaient éviter le spectacle. C’est une chose de se déplacer pour y assister. C’en est une autre de se le voir imposer.

A cela s’ajoute le fait que les exécutions ont lieu le samedi, jour de marché et donc d’embouteillages de véhicules de toutes sortes.

Les exécutions auront donc lieu, à compter du 19 avril 1793, sur la place du collège, vis-à-vis de la façade du château.

Les changements sont en marche, mais pas forcément dans le bon sens, pour les exécuteurs.

Joseph croit que la révolution va lui apporter une nouvelle vie. C’est effectivement le cas, mais pas pour le meilleur.

Le 5 décembre 1792, sa fille aînée, Julie Elisabeth, épouse, à Blois, Pierre Desfourneaux, des bourreaux de l’Indre. Deux mois plus tôt, sa petite sœur, Marguerite Adélaïde Henriette, est née. Le temps du bonheur ?

Il sera de courte durée, Julie Elisabeth décède à Issoudun, moins de trois mois après son mariage.

Joseph devient membre du comité de surveillance de la ville. Mais, entre la mise en place des nouvelles règles de paiement, en 1793, et leur révision en l’an II, Joseph perd plus de mille livres d’émoluments.

L’administration ne lui reconnaît aucun aide. Il est évident que Joseph transporte et monte tout seul la guillotine !!!

Joseph décide donc de quitter un métier qui lui fait horreur, et il démissionne de sa charge, en prairial de l’an III. Non seulement il quitte sa charge, mais il quitte la ville et part s’installer à Melun, pour une nouvelle vie, du moins l’espère-t-il.

Il part avec femme et enfants : Marie Sophie, treize ans, Joseph Pierre, onze ans, et Marguerite Adélaïde Henriette, trois ans. Il a cinquante-cinq ans. Sa femme, Marie Herisson, en a trente-sept.

C’est à Melun que nait son dernier fils, Nicolas Placide, le 24 Ventôse V. Joseph y arbore fièrement le métier de marchand.

A-t-il enfin réussi à casser la tradition ?

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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