Les bourreaux de Blois : telle est la question

calendrier-avent-6_12

Avant de répondre à la question sur les Elisabeth, faisons une petite pause et parlons du métier tel que Nicolas Henault et les autres, le pratique.

Si la justice est une question de lois, elle est aussi une question de gros sous. Nous avons vu évoluer le métier de bourreau et surtout la manière dont il est payé : à la tâche.

A la fin du XVIIe siècle, c’est toujours le cas.

Le 8 janvier 1693, Nicolas Henault ; exécuteur de Blois, adresse au procureur du roi, la liste des actes à régler.

Le 4 septembre 1691, cinq hommes ont été condamnés aux galères, par contumace, pour servir de forçats dans lesdites galères. Par contumace signifie que les justiciables étaient absents. Il s’agit de Marc Carré, sieur de Villebon, César de François, sieur de la Borde, François de Constantin, sieur de la Gachonnière, Charles Carré, sieur de la Bruère, et Pierre Arnault, sieur de Beauvais. Une sentence est une sentence, et c’est le bourreau qui doit la transcrire sur un tableau qui est attaché à une potence, plantée dans le bourg neuf, le nouveau lieu d’exécution, le 7 septembre. Evidemment, c’est le bourreau qui fournit la potence et il entend bien en être payé.

Le 15 février 1692, il en est de même pour Pierre Gombault, greffier de l’élection de Romorantin, condamné à la même sentence. Et là encore, le bourreau fournit la potence.

Et pour finir, le bourreau a exécuté, le 13 décembre 1692, la sentence condamnant Martin Auger à être pendu et étranglé, à une potence plantée dans le bourg neuf.

Nicolas Henault réclame quarante livre par potence, soit cent vingt livres.

Nous sommes en janvier 1693 et il n’a toujours pas été payé. Le procureur du roi va diminuer la somme de moitié et limiter à vingt livre le coût de la potence.

Le bourreau n’est pas le seul à souffrir du manque de célérité de la justice à payer ce qu’elle doit et à sa propension à rogner sur les prix.

Jean Bernier, charpentier en Vienne, ayant fourni une potence et une échelle, voit sa facture de douze livre réduite à dix.

Autant dire que, lorsqu’un nouveau matériel est fabriqué pour les œuvres de l’exécuteur, les artisans détaillent avec précision le coût de chaque chose, pour éviter une telle réduction.

En 1698, Jacques Cormier, maître serrurier, et Louis Lerond, maître menuisier, ont fabriqué des ustensiles pour que le bourreau puisse soumettre à la question, les justiciables. La torture à Blois, se faisait par la question par l’eau (en évitant de noyer l’interrogé) et la question par les brodequins. (en broyant les jambes). Le nouveau matériel vient d’être livré. Le détail fait un peu frissonner, je l’avoue : quatre colliers à charnière garnis de leurs clavettes pour exposer les jugés coupables, et quatre grosses boucles de six pouces de large et un pouce de grosseur et quatre gros crampons pour les sceller dans le mur. Huit gros liens de fer (chaînes) de chacun deux pieds de long, le tout pour trente-quatre livres.

Deux chevalets, un de quatre pieds de long, un pied de large et trois de haut, quatre bouts de madriers de chacun deux pieds de long, un pied de large et deux à trois pouces d’épaisseur, percés de trous pour passer les cordes, puis huit coins de vis avec un maillet pour serrer lesdits coins, et les bouts de madrier, le tout pour douze livres.

Les deux artisans seront payés sans restriction.

Pour vous donner une idée du supplice imposé par ce nouvel attirail, voici le détail de la question subie le 10 novembre 1717, par Toussaint Girard, charbonnier à Busloup, accusé d’avoir, en octobre 1707, soit dix ans plus tôt, avec trois complices, assassiné le garde-vente Durand, dans les bois de la Ville-aux-Clercs.

L’exécuteur de l’époque, peut-être Jean Delarousse, ou bien un oncle de sa femme, le met à la torture. Il est déshabillé, mis sur le siège de la question, a les bras et les jambes attachées. Il est étendu et le premier tréteau est passé sous les cordes attachées à ses pieds. Malgré la douleur, il nie être responsable du meurtre.

Il est alors passé à la question par l’eau : on lui fait boire un premier pot d’eau, puis un second, et il avoue tout. Je crois que dans les mêmes conditions, j’aurais moi aussi avoué avoir tué Toussaint Girard, ou tout autre personne.

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

Articles: 1379

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *