Les hypothèses en généalogie

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En généalogie, du moins, cela devrait être toujours le cas, nous procédons à la preuve par l’acte lorsque nous affirmons quelque chose.

L’acte de naissance donne le nom des parents, le mariage des parents donne leur filiation et ainsi de suite. Si je cherche un Jean Doyen né vers 1740, parce que son acte de décès indique qu’il est mort en 1790 à l’âge de cinquante ans, je sais aussi, grace à son acte de mariage qu’il est le fils de Louis Doyen et Marie Lecas.

Je recherche donc un Jean Doyen né vers 1740 et fils de Louis Doyen et Marie Lecas.

La grande erreur que commettent beaucoup de généalogistes amateurs, est de considérer que Jean Doyen, né le 3 août 1740, fils de Louis Doyen et Marie Lecas EST le Jean Doyen recherché.

Ils ont bien un acte pour preuve, mais la preuve par l’acte ne suffit pas toujours. Parce que Jean Doyen né le 3 août 1740 est décédé à l’âge de cinq mois. Par contre, Jean Doyen, né le 7 novembre 1742, fils de Louis Doyen et Marie Lecas est bien le bon. Pourquoi ? Parce que je n’ai trouvé aucune trace de son décès ni aucune autre naissance de Jean fils de Louis Doyen et Marie Lecas. Et nous savons tous que l’âge au décès n’est pas une information des plus fiables.

Cela exige des recherches complètes sur la famille de Louis Doyen et Marie Lecas, à commencer par la naissance de tous leurs enfants, la lecture de tous les actes entre leur mariage et leur décès pour trouver les éventuels décès des enfants et toutes autres preuves possibles.

Il faut lire tous les actes, pour trouver ce que l’on cherche. Est-ce un inconvénient ?

Non, cela permet de reconstituer les fratries, les parcours de vie des ancêtres, voir évoluer leur statut professionnel, les voir changer de paroisse, commune, voir qui ils fréquentent, etc.

Les bases de données et dépouillements en ligne nous aident beaucoup, mais ils ne nous exonèrent pas de reprendre les registres pour tout vérifier car nul n’est infaillible : erreur de lecture, erreur de retranscription, dyslexie manuelle, fautes de frappe….Soudain Jeanne du dépouillement est en fait Jean et 1740 est en fait 1704…et oublie d’un acte au dépouillement.

Mais il arrive un moment, dans nos recherches, où nous nous heurtons à un mur : archives lacunaires, curé avare de renseignement, actes non filiatifs, etc.

Pour poursuivre nos recherches, nous sommes contraints de faire des hypothèses et de les vérifier.

Souvent, ces hypothèses n’aboutissent à rien.

Parfois, nous ne pouvons pas trancher.

Mais quelque soit le résultat de ces recherches, il est important d’en noter scrupuleusement le cheminement pour en garder la trace. Car, finalement, sur notre arbre, cela se traduira par une filiation sans acte direct comme preuve.

Un exemple simple : Pierre Duval, fils de Robert Duval et Françoise Rocher, né vers 1710, épouse Rose Gautier, le 4 octobre 1735. J’ai la filiation. J’ai le décès de Robert Duval, veuf de Françoise Rocher, le 10 juillet 1720, à l’âge de trente-cinq ans. Je n’ai pas le décès de Françoise Rocher.

Je dois donc chercher Robert Duval et Françoise Rocher et leurs enfants vers 1710 et le décès de Françoise Rocher entre la naissance de Pierre Duval et le décès de Robert Duval. Sauf que, les archives de la paroisse sont lacunaires. Dans le trou se trouve le mariage des parents de Robert et donc la preuve de leur filiation, la naissance de Pierre et de ses frères et soeurs. Le trou va de 1690 à 1718.

Le travail d’enquête mené pour remonter ces branches va être un véritable travail de fourmi. Évidemment, pas d’actes notariés pour cette famille (ce serait trop beau), je vais donc devoir me contenter des registres paroissiaux.

Je sais que, au mariage de Pierre, son oncle Louis Duval, son frère, Sébastien et son cousin germain, Jacques Delaunay, sont présents.

Je vais donc, d’une part, tracer ces trois hommes, et d’autre part, relever toutes les naissances de Duval et de Rocher, sur une large fourchette de date, avant le “trou”.

J’ai de la chance, j’ai trouvé, dans la paroisse ET les paroisses alentours, cinq familles Duval et vingt-deux familles Rocher. Sur ces familles, seules deux familles Duval ont un fils qui s’appelle Pierre et un autre qui s’appelle Sébastien et sur les deux, un seul des père à un frère qui s’appelle Louis et qui a vécu jusqu’en 1735. L’autre famille avait bien un fils appelé Louis, mais il est mort avant 1735.

Pour Françoise Rocher, c’est plus compliqué. Je trouve dix-huit familles avec une Françoise Rocher et comme je n’ai pas l’âge approximatif de ma Françoise, la fourchette est large.

Ma seule piste est son cousin germain, Jacques Delaunay. Soit le père de Françoise a une soeur qui a épousé un Delaunay, soit c’est sa mère qui est une Delaunay, soit la soeur de sa mère a épousé un Delaunay.

Me voilà partie à la chasse aux Delaunay, sur le secteur (pas uniquement cette paroisse). Je n’ai pas le mariage de Jacques Delaunay (soit il est célibataire, soit il est marié dans le trou).

Il faut croiser les dix-huit familles et chercher dans chaque cas si une des mères est une Delaunay, si une tante maternelle ou paternelle a épousé un Delaunay. Et je trouve, au bout de…… pfutttttttttt. L’essentiel, c’est de trouver.

Mais si je me contente de noter, dans mon logiciel de généalogie, la filiation fraîchement trouvée et rien d’autre, comment est-ce que je peux prouver que mon hypothèse est bonne ?

Toujours la preuve par l’acte bien sûr. D’acte en acte, avec une notice explicative. La liste des dix-huit familles de Rocher et la raison pour laquelle je n’en ai gardée qu’une. Idem pour les Duval.

Évidemment, les hypothèses que nous émettons doivent coller au plus près de la réalité de l’époque. Je ne trouve pas le décès de quelqu’un ? Je fais l’hypothèse qu’il est décédé chez un de ses enfants. Donc je recherche tous ses enfants et je cherche dans leur paroisse (commune) s’il n’est pas décédé là. Mais il peut être également un de ces morts inconnus qui jalonnent les registres.

Il faut aussi accepter que, parfois, nous n’aurons jamais la réponse à nos questions………. jusqu’à ce qu’un document d’archives non encore consulté nous apporte la réponse : il est mort en prison, à plus de cent kilomètres de là.

Les portes de nos recherches restent toujours ouvertes, jusqu’à ce qu’une conclusion, étayée par des actes, vienne les fermer.

Nous devons donc faire preuve d’imagination…………… et transformer cette imagination, ces hypothèses, en réalité étayée par des preuves tangibles.

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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4 commentaires

  1. En ayant lu beaucoup de pages de votre blog, je n’ai pas trouvé d’expérience de ce que je pourrais appeler “substrat”. Peut-être n’avez-vous eu à faire de recherches que dans des territoires précocement rattachés au Royaume de France? La célèbre ordonnance de Villers-Cotterêts a imposé l’emploi du dialecte en usage en Ile de France au lieu du latin à partir de 1539, époque dont nous sont parvenus très peu de registres. Toutefois, dans des régions relevant alors d’autres souverains, l’emploi du latin s’est prolongé plus longtemps et a masqué des patronymes en réalité tiré du dialecte local. Il y a ainsi nombre de personnes qui ont des patronymes d’apparence latine dans des régions de langue thioise. Par exemple, un “Molitor” peut avoir, dans une paroisse voisine, des ancêtres ou des collatéraux qui s’appelaient bien Müller. Certains patronymes apparents ne sont que le génitif latin du prénom du père ou d’un aïeul. Ainsi Pauly, Lamberty pour Pauli et Lamberti. Dans des actes anciens, il pouvait ne s’agir que du prénom du grand-père. Ainsi Matthias Lamberti voulait seulement dire Matthias fils de Lambert, pas nécessairement que la famille dudit Matthias s’appelait Lamberti. Le phénomène a une grande pertinence en Bretagne celtophone. Vous pouvez avoir, dans les registres anciens de telle paroisse, un curé qui a traduit en L’aîné ou Petit un patronyme qui, dans une autre paroisse était bien noté Henan ou Bihan, alors qu’il s’agit de la même lignée.

  2. Mes ancêtres bretons m’ont appris à justement faire attention à cela. Mes le Tual se sont révélés être des Tugdual et mes Laizné des Henaff. Il faut toujours faire attention à la région sur laquelle nous travaillons, encore plus si elle est frontalière.

  3. bonjour, très bon article. puis-je le reproduire dans le bulletin de mon association CGH LCL CA SA, avec la source bien entendu ? merci d’avance

  4. Bonjours, je n’avais pas pensé, à tous ce qu’il y a d’écrit, dans votre article. Et, pourtant, j’ai de la famille, qui ont des noms de famille répandue en France (Lion, Grandpierre, Watremez, Morel, Rouault, et Édouard). En plus, on est originaire, de différentes régions de France, et un peu du monde

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