La nuit porte conseil, parait-il. Si G. n’est pas le fils d’un frère d’Albertine, il peut être le fils naturel d’une de ses soeurs.
Je reprends le dossier G.
Albertine a quatre soeurs : Gabrielle, l’aînée, sans aucune mention marginale, Lucie, mariée en 1890 à Longchamps, Mathilde Nathalie, décédée à l’âge de huit ans, et Justine Camille, mariée à Paris 14e en 1905.
J’élimine d’emblée Mathilde Nathalie morte trop jeune. Le mariage de Justine Camille, à l’âge de trente-trois ans, me donne l’adresse de Gabrielle, son témoin. Elle est toujours célibataire et vit à Fontainebleau. Mais c’est grand, Fontainebleau !! Un coup de pouce de la chance (pour moi, pas pour elle), me donne son décès, dans la même ville, à l’hospice, le 21 juin 1909. Elle vivait rue grande, et elle est grande la rue !! Le recensement de 1906 compte trente pages rien que pour la rue Grande. Et même si elle est la mère de G. rien ne dit qu’il vit avec elle. Les mères célibataires plaçaient souvent leur enfant à la campagne.
Justine Camille peut également être la mère, mariée à trente-trois ans, ce n’est pas si jeune. Elle est employée de commerce à Paris. Il en est de même de Lucie, mariée à vingt-sept ans, à Longchamps, dans l’Eure. N’oublions pas que la carte de G. est du Pont de l’Arche, dans l’Eure. Elle est cuisinière à Paris-Passy, dans le 16e. Toutes les trois ont pu avoir un enfant hors mariage prénommé G.
Je commence avec Lucie. En 1891 et 1896, elle vit à Longchamps avec son mari. Aucun enfant n’habite avec eux. Pour les recensements de Paris, c’est raté. Ils ne sont toujours pas en ligne. Avant d’attaquer le recensement de Fontainebleau, je décide de vérifier si je n’ai pas d’autres cartes postales de la famille. J’ai plus de vingt cartes postales anciennes adressées à Albertine. A étudier plus tard, mais surtout quatre de G. Cellier et cette fois, il signe de son prénom, Georges. G, c’est Georges.
Cela ne m’avance pas plus. Je mets les cartes dans l’ordre chronologique, à la recherche d’indices supplémentaires.
La plus ancienne est celle qui a donné lieu à cet article.
Le 29 septembre 1916, Georges écrit sur une carte de la nef de l’église Saint-Jean d’Elbeuf : “Chère tante, deux mots pour te dire que j’ai fait très bon voyage et ai trouvé les enfants heureux et en bonne santé. Si je peux, je te rendrai visite jeudi dans la matinée, mais ce n’est pas sur. Tout ma famille te donne le bonjour, je t’embrasse de grand coeur, ton neveu. G. Cellier.”
Le 20 février 1918, le ton est moins souriant. Sur une carte de l’hôtel de ville de Limoges, il écrit : “Chère tante, je viens te demander de tes nouvelles car voilà un moment déjà que je n’en ai eu. J’espère que tu es en bonne santé. Pour moi, cela va à peu près maintenant, je me lève et sort un peu chaque jour. Chez moi, cela va à peu près pour le moment. Je termine et t’embrasse de tout coeur, ton neveu Georges.”
Visiblement, Georges a eu des problèmes de santé : maladie ou blessure ? Il faudra avoir son feuillet matricule pour le savoir.
Le 16 décembre 1918, Georges est en Allemagne. Sur une vue de Eisenbahnbrücke über den Rhein, il écrit : “Chère tante, comme tu le vois, c’est de Mayence que je t’écris ces deux mots. J’espère que tu es en bonne santé et qu’à Paris, il fait meilleur que par ici car s’il ne fait pas froid, le temps est très humide, il pleut. Nous couchons presque chaque jour chez l’habitant. Ce sont des boches pure race et malgré cela ils se mettent volontiers à notre disposition, par crainte sans doute, mais ils ne laissent rien voir de leurs sentiments et nous font bonne figure. Voilà, plus de quinze jours que je n’ai eu de nouvelles de personne. Je termine en t’embrassant affectueusement, ton neveu. G. Cellier”
La dernière est une vue du château de Trechtinghausen datée du 21 janvier 1919. “Chère tante, en réponse à ta lettre qui m’a beaucoup fait plaisir, je t’envoie ces deux mots. Il est inutile de m’envoyer quoi que ce soit en ce moment car je pense aller en France d’ici quelques jours, soit en permission, soit que la compagnie soit relevée. J’espère que tu es toujours en bonne santé, pour moi, cela va assez bien en ce moment. La présente carte représente le château où je suis cantonné en ce moment. Je t’embrasse affectueusement, ton neveu Georges.”
C’est certain maintenant, Georges a survécu à la guerre, mais je ne suis pas plus avancée sur son identité.