Geneathème – Le patois familial

En cette journée 26 septembre des langues, je me suis penchée sur le patois de ma famille. Il faut bien le reconnaître qu’il n’en reste plus grand chose aujourd’hui. Le plus présent dans mes souvenirs est le parler cauchois, du pays de Caux et c’est à travers deux anecdotes familiales que je vais vous en parler.

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Mes parents ont quitté la Seine-Maritime en 1949, pour la région Centre et en premier lieu, pour une année à Châteauroux. Ce fut un choc culturel dont ma mère ne s’est toujours pas remise !!!

Alors qu’elle se trouvait sur le marché pour ses courses, son choix se porta sur des légumes bien connus de tous. Tout naturellement, elle demanda à la fermière “un kilo de pois à écaler”. Et tout aussi naturellement, la fermière lui répondit “j’en ai pas”.

Dilemme, pourquoi la fermière refusait-elle de vendre ses pois à écaler à ma mère, alors qu’ils étaient sous son nez !!! Il fallut un certain temps à cette dernière pour comprendre que la fermière ne savait pas de quoi elle parlait. Et plutôt que de le dire, le réflexe stupide et totalement français fut “j’en ai pas” au lieu de “je ne connais pas ce nom” !!! Évidemment, il s’agissait de pois à écosser (et non de pois écossais). Écaler étant le terme normand pour écosser. Cela fait près de soixante-dix ans que c’est arrivé et ma mère en parle encore.

L’autre anecdote me concerne plus directement. Ayant grandi dans le berceau du français le plus pur, la vallée des rois, je ne rendais visite à la famille normande qu’une fois par an et pour une très courte période. Je ne connaissais pas trop bien mon grand-père, pour cette raison, mais j’ai été vraiment très vexée lorsque je me suis aperçue qu’il ne connaissait même pas mon prénom. Chaque fois que je l’approchais, il m’apellait “sa petite bezotte”. Je m’en inquiétais auprès de ma mère qui dut m’expliquer (je devais avoir quatre ou cinq ans), que bézotte était un terme affectueux signifiant “petit enfant”. Mouais !!!! admettons !!!

A mesure que je vous raconte cela, des termes typiquement familiaux issus de l’enfance normande de mes parents me reviennent. Nous ne disons pas bonjour mais boujou, pas au revoir mais à tantôt, nous ne goûtons pas mais faisons la colas. Dans le jardin ne trône pas une brouette mais une barouette, et ainsi de suite. Pourtant, ces termes, nous ne les utilisions que dans le sein de la famille, jamais à l’exterieur, intégration oblige.

Mais en parcourant un dictionnaire de cauchois, je me rends compte que certaines expressions que nous utilisons et que je pensais communes, sont en fait bien de “cheux nous”, comme prendre une avoinée (prendre une correction), baffrer (manger et boire goulûment), baver (parler à tort et à travers), dégobiller (vomir) et ainsi de suite.

Le patois de mes parents a bien colonisé le parler familial, quand bien même cela fait soixante-dix ans qu’il n’est plus alimenté à la source.

 

Christine LESCENE
Christine LESCENE

Généalogiste professionnelle depuis 1993 - formatrice en généalogie professionnelle depuis 1995 - Généa bloggeuse depuis 2008

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3 commentaires

  1. Contrairement à une idée courante chez les non-linguistes, les langues unitaires procèdent, plus ou moins artificiellement, des dialectes et non l’inverse. Le mot patois ne correspond à rien d’un point de vue linguistique. Dans toute l’humanité, le dialecte avait toujours été l’expression orale naturelle de la communauté de proximité, le village. Cela n’a été bouleversé qu’avec les modes de communication modernes, à partir de la transmission sans fil.

  2. Je pense à “éplucher” en suédois “att skala”. Avec la phonétique propre aux dialectes du nord de la France où les initiales sk- deviennet ék-, (italien “scrivere”, français “écrire”), cet “écaler” a tout l’air d’être directement d’origine nordique

  3. Il faut dire que les p’tits gars du nord ont régulièrement envahi le secteur et ont fait plus que laisser leur ADN, ils ont aussi laissé des bouts de leur langage.

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